La pêche au crabe des neiges a finalement débuté vendredi sur la Côte-Nord, après la délivrance par la Cour supérieure d'une injonction réclamée par les pêcheurs. Au coeur du conflit qui explique ce retard de deux semaines : le prix du crabe.

Les pêcheurs de la région, la zone 16, et les propriétaires d'usines de transformation ne s'entendaient pas sur le prix plancher à établir au début de la saison. Le prix du crabe varie d'une année à l'autre, selon le marché, et il est influencé par la valeur du dollar, surtout pour l'industrie de la Côte-Nord qui envoie la majorité de ses crustacés aux États-Unis. Sans entente, les transformateurs ont décidé de garder les usines fermées aux crabes des pêcheurs de cette zone qui se trouve entre Pointe-des-Monts et Natashquan. L'un d'eux, un pêcheur de Natashquan, s'est retrouvé pris avec ses crustacés la semaine dernière. Il a dû jeter des milliers de livres de crabe à la poubelle.

Yan Tremblay a réussi in extremis à éviter un tel gaspillage : le directeur des Pêcheries Uapan a d'abord envisagé de vendre ses crabes dans les Maritimes, en les transportant par avion. Il est finalement parti en camion avec ses crabes mercredi dernier, mais a été intercepté par des patrouilleurs de la SQ à la sortie du traversier, à Matane. On l'a avisé qu'il ne pouvait vendre « ce produit vivant » à l'extérieur de la province, selon une loi du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le MAPAQ. Le pêcheur de Sept-Îles n'est pas d'accord avec cette interprétation de la loi, mais a tout de même accepté de vendre ses prises en Gaspésie, après une route de 600 km. 

Le lendemain, jeudi soir, la Cour supérieure du Québec a mis fin à ce bras de fer entre pêcheurs et transformateurs en obligeant les usines à accepter les prises de la quarantaine de pêcheurs de la Moyenne-Côte-Nord (zone 16) pour 2,53 $ la livre. « Nous allons nous conformer à la décision de la cour », confirme Jean-Paul Gagné, président de l'Association québécoise des industriels de la pêche (AQIP). Les discussions doivent toutefois se poursuivre, car l'injonction est valide pour les trois premières semaines de pêche », précise-t-il. 

La pêche au crabe des neiges dans cette région est encadrée par un programme à frais partagés. Les deux parties ont eu quelques affrontements depuis sa mise en place, en 2011. Jean-Paul Gagné souhaite que les relations avec les pêcheurs s'améliorent. « Ça ne peut plus continuer comme ça », dit-il.

Le président de l'Office des pêcheurs de la zone 16, Yann Briand, espère aussi une solution à plus long terme. « On se réjouit tout de même pour le moment, parce qu'on est capable de vendre notre produit et les pêcheurs vont pouvoir recommencer à travailler », a confié M. Briand, joint vendredi sur son bateau, au large de Sept-Îles.

De petits crabes

Le crabe des neiges est la pêche la plus lucrative au Québec. « Malheureusement, dit Yan Tremblay, la grande majorité du crabe part vers l'étranger. » Selon lui, seulement 10 % des crabes restent ici. Certains professionnels de la pêche croient que la proportion est plus élevée, mais tous sont d'accord sur deux points : la majorité quitte le Québec et il faut augmenter la consommation ici. 

« On espère diminuer l'international pour augmenter le local », confirme Janita Gagnon, directrice du marketing chez Pêcherie Manicouagan. Les Québécois en mangent de plus en plus, mais il faut poursuivre la croissance du marché, dit-elle. Par contre, cette année, les consommateurs devront se contenter de crabes un peu plus petits. « C'est normal, c'est le cycle de vie du crabe, dit Janita Gagnon. On voit plus de crabes de 5 à 10 onces [de 140 à 280 grammes]. Le goût est le même. » 

Le crabe des neiges de la Côte-Nord devrait arriver dans les poissonneries de la province aujourd'hui. Il vient rejoindre celui de la zone 17, pêché dans l'estuaire du Saint-Laurent, dans le secteur de Baie-Comeau, Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie, et dans la partie du fleuve qui se trouve entre Tadoussac et Rivière-du-Loup. La date du début de la pêche au crabe en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine n'est pas encore fixée.