L'armée kurde blâme les Canadiens pour l'incident survenu en Irak au cours duquel le sergent canadien Andrew Joseph Doiron a été tué et trois autres militaires ont été blessés par des tirs amis. Selon un porte-parole de l'armée kurde, les soldats canadiens n'auraient pas suivi les ordres en sortant de leur véhicule pour aller sur la ligne de front sans s'annoncer.

Le ministre de la Défense Jason Kenney a nié catégoriquement ces explications, dimanche.

En entrevue au réseau CTV, le ministre canadien a assuré que les soldats étaient «à 200 mètres» de la ligne de front lorsque l'incident est survenu. Il a relaté que les forces spéciales canadiennes étaient revenues à un poste d'observation lorsque les Kurdes les ont pris pour leurs ennemis en leur tirant dessus.

Le porte-parole de l'armée canadienne Daniel Lebouthillier a aussi réfuté les allégations des Kurdes.

Halgurd Hekmat, le porte-parole des troupes kurdes, a toutefois expliqué en entrevue avec l'Associated Press qu'un groupe de soldats canadiens s'était présenté sans les avertir dans le village de Bashik, près de la ville stratégique de Mossoul.

Selon le média kurde Basnews, qui cite le commandant des peshmerga (combattants kurdes) Mosa Gardi, des combats intenses ont eu lieu dans la nuit de vendredi entre les combattants kurdes et ceux de l'EI, près de Bashiqa au nord de Mossoul.

«Pendant les combats, les conseillers canadiens ont quitté leur véhicule et ont marché dans le secteur. Ils se sont retrouvés très proches des combats sans notre coordination, a affirmé le commandant Gardi. Lorsque les peshmerga les ont aperçus, ils leur ont demandé de s'identifier et ils ont répondu en arabe, ce qui leur a fait croire qu'il s'agissait de combattants du groupe EI, alors ils ont tiré.»

M. Hekmat ne comprend pas pourquoi ils se sont rendus sur la ligne de front, parlant d'une décision «illogique et inappropriée». Le porte-parole a conclu que les Canadiens étaient à blâmer dans cet incident.

Par ailleurs, deux représentants des troupes kurdes ont confié à l'Associated Press que le corps du défunt soldat avait été rapatrié au Canada, tôt dimanche matin, après la tenue d'une cérémonie militaire à l'aéroport d'Erbil. Les porte-paroles ont requis l'anonymat puisqu'ils ne pouvaient pas divulguer d'informations aux journalistes.

Déploiement tout près du front

Il s'agit du premier Canadien tué en Irak depuis que le premier ministre Harper a annoncé, l'automne dernier, le déploiement au sol de membres de Forces.

Le rôle de ces 69 membres des Forces d'opérations spéciales est de fournir de la formation, de l'assistance et des conseils tactiques aux forces de sécurité irakiennes.

Le gouvernement Harper avait assuré que ces soldats ne seraient pas impliqués dans des combats au sol. Mais depuis janvier, des militaires canadiens ont échangé des tirs à quelques reprises avec l'ennemi. Selon le capitaine de vaisseau Paul Forget, il s'agissait de tirs de défense.

«Les gens doivent réaliser que les Canadiens sont déployés dans une zone de guerre et que les Kurdes ou les Irakiens qu'on aide combattent tous les jours. On n'est donc pas loin du front», explique Rémi Landry, lieutenant-colonel à la retraite et professeur associé à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.

Le Canada prend également part à des frappes aériennes offensives. Environ 600 membres des Forces canadiennes participent à la Force de stabilisation au Moyen-Orient (FSMO), la coalition internationale qui lutte contre l'EI.

«La question la plus litigieuse se pose lorsque les militaires au sol sont utilisés pour aller identifier des cibles pour les forces aériennes. C'est discutable, à mon avis», poursuit M. Landry. Le haut commandement des Forces armées a effectivement reconnu en janvier que des soldats avaient participé à des missions d'identification de cibles depuis novembre.

Pas de changement de cap

Le ministre Kenney a déclaré samedi que la mort du soldat n'entraînerait pas de modification de la mission du Canada au sein de la coalition. Selon Michel Drapeau, avocat spécialité dans les affaires militaires, le gouvernement devra néanmoins répondre à des questions supplémentaires, dimanche. «Qu'est-ce qu'on fait là? Quelles sont les forces en présence au sol? Le Parlement devra discuter s'il faut réviser cette mission d'entraînement sur la ligne de feu.»

Après avoir présenté ses condoléances à la famille du sergent Doiron, le premier ministre Stephen Harper a réitéré son engagement au sein de la coalition. «Notre gouvernement et les Forces armées canadiennes prennent au sérieux notre devoir de protéger les Canadiens. Une partie de ce devoir consiste à nous tenir debout et à mettre l'épaule à la roue dans la lutte contre l'EIIL [groupe armé État islamique en Irak et au Levant]. Nous sommes fiers de faire notre part [...]», a-t-il déclaré.

Le Nouveau Parti démocratique, qui critique cette mission depuis le début, s'est abstenu de commenter cette question, samedi. «On reste concentré sur la perte du sergent Doiron. Dans les jours à venir, nous aurons le temps de poursuivre ces questions [sur la mission] auprès du gouvernement», a fait savoir Greta K. Levy, attachée de presse du caucus NPD.

La mission canadienne de 6 mois doit prendre fin le 7 avril. Le gouvernement refuse toujours de dire si elle sera prolongée, mais le premier ministre Harper a assuré que le Parlement serait consulté.

- Avec Associated Press