Des règles plus strictes pourraient être nécessaires pour contrer la menace posée par l'utilisation de drones au Canada, estime la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans un document interne obtenu par La Presse.

Cette mise en garde est survenue quelques mois avant que les autorités françaises enquêtent sur de mystérieux vols de drones deux nuits de suite dans le ciel de Paris. Selon des témoins et les services policiers, des appareils ont été aperçus cette semaine aux abords de la tour Eiffel, de la place de la Concorde et le long de la Seine.

Un porte-parole du gouvernement français a dit prendre le sujet au sérieux et vouloir trouver les «auteurs de ces survols». Stéphane Le Foll a ajouté que l'incident n'était pas unique à la France. Le mois dernier, par exemple, un drone inoffensif s'est écrasé dans les jardins de la Maison-Blanche.

Trois journalistes d'al-Jazeera ont même été arrêtés alors qu'ils faisaient voler un drone dans le bois de Boulogne, hier après-midi. La police n'a pas confirmé si ces arrestations sont liées aux incidents des deux dernières nuits.

«Taux élevé de neutralisation»

Au Canada, la GRC prend aussi ces questions très au sérieux. Dans une évaluation interne sur la sécurité des infrastructures essentielles canadiennes, datée de mars dernier, le corps policier note que des «extrémistes ont démontré qu'ils étaient prêts à utiliser des véhicules aériens sans pilote (UAV) avec fonction GPS pour effectuer de la surveillance aérienne en temps réel de cibles et pour transporter des engins explosifs artisanaux et des agents chimiques et biologiques».

Le rapport obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information précise que «le taux élevé de neutralisation de complots mettant en cause des UAV empêche de déterminer si ce type d'attentat a des chances de se concrétiser».

Le service de renseignement de la GRC conclut néanmoins qu'«on ne peut ignorer l'utilisation éventuelle d'UAV pour commettre des attentats contre des infrastructures essentielles».

«Certains scénarios d'attentats peuvent justifier la réalisation d'études scientifiques supplémentaires afin d'en déterminer la faisabilité et de prendre les mesures de protection qui s'imposent», recommandent les auteurs.

Nouvelles règles en vue?

Selon les règles en vigueur au Canada, un permis n'est pas nécessaire pour faire voler un drone à des fins récréatives s'il pèse moins de 35 kg (77 lb). Plusieurs conditions doivent toutefois être respectées, notamment garder l'appareil dans votre champ de vision, ne le faire voler que de jour et lorsque le ciel est dégagé, et se tenir «à moins de 150 m de personnes, d'animaux, de bâtiments, de structures ou de véhicules».

Des permis sont nécessaires pour l'utilisation d'aéronefs plus lourds ou pour des activités reliées au travail ou à la recherche scientifique. Ces règles s'ajoutent à des normes existantes contenues dans d'autres lois ou règlements, incluant le Code criminel.

«Il y a un grand nombre de lois et de règlements dans ce domaine qui interdiraient le type d'usage auquel on fait référence» à Paris, croit Tanveer Siddiqui, un avocat spécialisé en droit aérien au sein de la firme de Vancouver Alexander Holburn Beaudin&Lang.

Néanmoins, «Transports Canada travaille maintenant à l'élaboration d'une nouvelle réglementation qui aidera à intégrer les aéronefs sans pilote dans l'espace aérien civil de manière sécuritaire, tout en continuant d'assurer la sécurité au sol et dans l'espace aérien», peut-on lire dans un communiqué de presse diffusé par le Ministère en octobre.

Selon Martin Sheehan, avocat spécialisé en droit aérien chez Fasken Martineau à Montréal, ces changements pourraient s'avérer nécessaires: «Même s'il y a des mesures en place actuellement, celles-ci sont peut-être à peaufiner compte tenu du fait que l'usage de cela a explosé.»

On ignore dans quelle mesure ces changements, s'ils se concrétisent, répondront aux préoccupations de la GRC.

- Avec la collaboration de William Leclerc