Le temps des Fêtes a coûté cher et votre crédit craque de partout ? Pensez-y deux fois avant de faire affaire avec des courtiers et des prêteurs sur gages qui proposent de l'argent facile rapidement et sans enquête de crédit. Avec des taux de crédit annuel - et illégal - pouvant atteindre 350%, ces shylocks nouveau genre font des ravages.

Tout débute par un déménagement imprévu. Geneviève* n'a pas d'argent. Pas de carte de crédit non plus, « un peu par principe, dit-elle. Elle tombe sur l'annonce d'un courtier dans le journal Métro : « Prêts personnels, sans garantie, mauvais crédit ou sans crédit accepté ! » 

Sur la page d'accueil du site internet du courtier, une jeune, jolie et joyeuse famille s'éclate sur la pelouse d'une maison cossue.

Geneviève prend rendez-vous et se présente chez le courtier, dans l'ouest de l'île. On lui demande d'entrée de jeu 50$ comptant pour ouvrir son dossier. Elle doit fournir sa carte d'assurance maladie, son permis de conduire, son passeport et son bail.

Le prêt est fixé à 750$, à un taux d'intérêt de 10% par semaine. L'entente est verbale, aucun document n'est signé. «On m'a appelée le lendemain pour me dire que c'était accepté. J'étais contente. J'ai dû me présenter en personne pour récupérer l'argent.»

Elle doit entrer par une autre porte, à l'arrière de l'immeuble, qui mène à un comptoir. «On m'apprend que je dois rembourser dans deux semaines. J'étais et je demeure convaincue qu'on m'avait dit que j'avais un mois pour le faire.»

L'employée derrière le comptoir s'assure que Geneviève a un travail. Elle occupe depuis peu un emploi d'adjointe administrative. On lui demande de fournir un talon de paie.

L'argent du prêt est entièrement englouti dans son déménagement. Mais les factures continuent d'arriver. «J'avais un emprunt étudiant à rembourser, un loyer de 800$ et un salaire normal, mais très récent. La première semaine, j'ai été incapable de rembourser plus que les intérêts.»

Deux semaines après avoir reçu le prêt, elle se présente avec 200$ en argent liquide pour payer ses intérêts. Puis, tout a déboulé. Les semaines se sont égrenées à toute vitesse, et les intérêts ont continué à s'accumuler. D'autres emprunts se sont succédé. Quelques mois plus tard, Geneviève a dû se rendre à l'évidence: elle était prise au piège.

«Dans cet engrenage, j'essayais de rembourser aux deux semaines, mais je ne pouvais pas, je ne pouvais plus. Ça s'étire pendant des mois et tu ne peux plus rembourser. Tu payes tellement d'intérêts que tu tombes dans un cercle vicieux. C'est un piège, c'est carrément un piège.»

Ce piège, Geneviève a mis 10 mois pour s'en extirper. Elle y a englouti 6498$, alors que la somme empruntée totalise... 2600$. «La dernière fois que j'y suis allée, je me suis présentée avec un chèque certifié qui couvrait la totalité de mes dettes. Personne ne m'a dit un mot, ils semblaient déçus de perdre une bonne cliente.»

Geneviève a porté plainte à l'Office de la protection du consommateur. Elle veut éviter à d'autres les mirages de l'argent facile.

Et la honte de se faire avoir.

Shylock 2.0

L'usurier traditionnel qui traîne dans les bars près des appareils loterie vidéo existe toujours, mais le prêt usuraire s'est modernisé au fil des ans. Il suffit d'écrire les mots «besoin d'argent» ou «argent rapide» dans n'importe quel moteur de recherche sur le web pour le comprendre. Plusieurs sites de prétendus courtiers promettent de l'argent rapidement et sans enquête de crédit. Même s'ils ont des noms différents, plusieurs de ces sites sont administrés par les mêmes personnes. «Les sites ont pris beaucoup d'ampleur dans les dernières années. On ne sait pas d'où ça vient, et ça cible la classe moyenne, des gens qui attendent de recevoir des allocations de chômage ou des joueurs pathologiques», explique Johanne Arnould, conseillère budgétaire à l'ACEF du Nord.

Elle remarque aussi que les usuriers ont un profil pluriethnique. «On en a vu beaucoup dans la communauté haïtienne de Saint-Michel, où ce sont souvent des chauffeurs de taxi. Même chose pour des pharmaciens dans la communauté vietnamienne.»

Le prêt sur gage connaît aussi un essor fulgurant, ajoute Mme Arnould, qui cite l'exemple de la rue Saint-Hubert, où le nombre de ces commerces aurait triplé en 10 ans. «C'est une manne sans en être une parce que les gens ont des moyens limités pour emprunter. Un négoce qui se fait sur le dos des pauvres.»

* Nom fictif

L'origine du shylock

Le mot shylock, qui, en anglais, désigne un usurier, est le nom d'un banquier sans scrupule dans une pièce de Shakespeare, Le Marchand de Venise, écrite au milieu du XVIe siècle. Dans la pièce, l'usurier Shylock signe avec le marchand Antonio un contrat qui l'autorise à lui prélever une livre de chair en cas de non-paiement.