«Terroriste». Quand le cinéaste québécois Yves Langlois a lu ce mot associé à sa photo sur le moteur de recherche Google, qui a confondu sa biographie avec celle d'un ancien membre du Front de libération du Québec (FLQ) qui porte le même nom, il a d'abord cru que l'erreur serait rapidement corrigée. Près d'un mois plus tard, malgré plusieurs démarches, il se tourne désormais vers les tribunaux pour forcer la multinationale à rectifier le tir.

«J'ai d'abord contacté Google pour qu'ils retirent ma photo de la biographie de cet ancien membre du FLQ. Je me disais au départ que ce serait une question de quelques jours avant que ce soit fait. Mais je n'avais aucun retour de leur part et la situation commençait à m'affecter au plan professionnel», a expliqué M. Langlois en entrevue avec La Presse.

Lauréat de plusieurs prix et connu du grand public pour ses documentaires - certaines de ses productions sont diffusées par les grandes chaînes de télévision comme Canal D, Télé-Québec et Radio-Canada -, M. Langlois craint aujourd'hui de ne plus pouvoir voyager aux États-Unis et en Europe, de peur d'être pris pour un terroriste et de perdre ses droits fondamentaux en raison de lois très sévères qui encadrent ce type d'accusation.

«On ne peut pas associer faussement une personne à un terroriste et lui faire porter socialement les stigmates que cela comporte sans se rétracter! Même si on est une grosse entreprise américaine, on doit respecter les droits fondamentaux des Canadiens», a vivement réagi l'avocat du cinéaste, Me Alex Boudreault-Leclerc, qui travaille chez Juripop Affaires.

Quelques jours après son premier signalement à Google, voyant que sa photo était toujours associée à la biographie de l'ancien felquiste, M. Langlois a entamé des procédures judiciaires afin d'obtenir réparation.

Une mise en demeure exigeant le retrait immédiat de sa photo a été envoyée à la multinationale, demandant du même coup une rétractation publique de l'entreprise et le paiement de la somme de 350 000$ pour les dommages causés à sa réputation.

Encore une fois, ont expliqué M. Langlois et son avocat, aucune réponse n'a été fournie.

Injonction provisoire

Exaspéré, le cinéaste s'est finalement tourné vers les tribunaux pour faire valoir ses droits. Le 25 novembre dernier, le juge Thomas Davis, de la Cour supérieure du Québec, a rendu un jugement sur une requête en injonction provisoire ordonnant à Google Canada de supprimer toute information l'associant au FLQ et d'afficher les bonnes photos des deux hommes dans les résultats de recherche.

Ce jugement, a affirmé Me Boudreault-Leclerc à La Presse, a été remis par un huissier de justice aux bureaux montréalais de Google le 26 novembre. Depuis, rien n'a changé et la multinationale ne s'est pas conformée à l'ordonnance.

«Si Google ne se plie pas, on pourra déposer une requête pour outrage au tribunal. Je ne sais pas c'est quoi leur stratégie, je ne leur ai jamais parlé, personne ne retourne nos appels», a dit l'avocat du cinéaste.

«Pour moi, le plus important, c'est que ma réputation soit rétablie. En tant que journaliste autonome, toute ma réputation repose sur ce qu'on peut lire sur moi dans Google», a affirmé pour sa part M. Langlois.

La Presse a contacté Google, hier, pour obtenir des explications. Notre demande d'entrevue a été transmise à la direction des communications qui s'occupe du Canada, avec qui nous avons échangé quelques courriels pour résumer les grandes lignes de cette affaire.

En soirée, malgré le fait que nous avons formulé une requête pour parler de vive voix avec un représentant de l'entreprise, Google Canada nous a plutôt acheminé par courriel la déclaration suivante:

«Nous travaillons afin de corriger la situation. Notre objectif est de fournir l'information la plus exacte, et nous avons [sur notre site] un lien où les utilisateurs peuvent nous rapporter les erreurs de fait.

«Il y a plus de 570 millions de biographies qui s'affichent [sur notre site], ce qui génère plus de 50 milliards de connexions [les associant à des photos, notamment]. Cette échelle de grandeur fait en sorte que tout se fait principalement par un algorithme. Or, il nous arrive aussi de faire des choses manuellement, pour que l'information publiée soit exacte.»