Le Canada est entré en guerre, il y a un siècle, non pas lors d'un vote au Parlement, pas même lors d'une réunion du conseil des ministres. La décision a été plutôt prise... à Londres.

Le 4 août 1914, un télégramme a été livré à la résidence du gouverneur général de l'époque, le duc de Connaught, l'informant que la Grande-Bretagne était en guerre contre l'Allemagne. Le duc en a informé le gouvernement de Robert Borden. Et voilà: le Canada était impliqué dans la Première Guerre mondiale.

Une édition spéciale de la Gazette du Canada publiée le lendemain indiquait seulement: «4 août 1914: le gouverneur général a reçu un message télégraphique du secrétariat d'État pour les Colonies à 20 h 45 annonçant que la guerre avait éclaté avec l'Allemagne.»

Personne n'a remis en question l'implication canadienne. Quatre ans plus tôt, le premier ministre d'alors, Wilfrid Laurier, avait clairement déclaré aux Communes que «lorsque la Grande-Bretagne est en guerre, le Canada est en guerre. Il n'y a pas de distinction». Quatre années plus tard, son successeur Robert Borden était d'accord. Le gouvernement s'est dépêché d'offrir des troupes, même si le Parlement avait été prorogé. En Colombie-Britannique, le gouvernement de l'époque est allé encore plus loin.

Craignant les navires de guerre allemands près des côtes non défendues, le premier ministre Richard McBride a acheté deux sous-marins tout juste sortis d'un chantier de Seattle. Ceux-ci avaient été commandés par le Chili, mais le constructeur a voulu les offrir aux Canadiens, en violation des lois de neutralité américaines, pour environ 1,2 million de dollars, ou 50 % plus cher que le prix pour le Chili. M. McBride a dit oui, signé un chèque et l'affaire était conclue.

Ottawa a remboursé la province trois jours plus tard.

Le 6 août, le gouvernement fédéral a offert à Londres un million de sacs de farine, environ deux millions de kilos de fromage, plus d'un million de conserves de saumon, 100 000 boisseaux de patates, 1500 chevaux et encore plus. Le 10 août, sans que le Parlement ne siège, un ordre a autorisé l'envoi de 25 000 troupes canadiennes outre-mer. Les Communes ont finalement été rappelées le 18 août.

Pendant que l'État se mettait en marche, un riche homme d'affaires montréalais, Hamilton Gault, a décidé d'accélérer le processus en déboursant 100 000 $ pour former un bataillon d'anciens combattants. Les efforts de recrutement ont attiré des vétérans de partout au pays, et, en trois semaines, ce nouveau régiment, la Princess Patricia's Canadian Light Infantry, était prêt à l'action. Il s'agit de l'un des derniers régiments jamais formés par des moyens privés, et ses hommes se retrouveront en France, dans les tranchées, huit semaines avant les autres unités canadiennes.

M. Gault, commandant en second, fut sévèrement blessé et perdit une jambe. Il vécut plus tard en Grande-Bretagne et fut élu député au parlement britannique.

Le 1er novembre, lors d'une bataille navale mettant aux prises une escadre allemande et une escadre britannique, le HMS Good Hope fut coulé. À son bord, il y avait quatre jeunes officiers canadiens fraichement diplômés du Collège naval du Canada. Malcolm Cann, John Victor Hatheway, Arthur Silver, tous des Néo-Écossais, et William Palmer, d'Ottawa, furent sans doute les premiers militaires canadiens tués du conflit.

De retour au pays, l'organisation de la 1ere Division canadienne a échu à Sam Hugues, le ministre de la Milice. Carrément décrit comme un fou, il a jeté aux orties les plans pour assembler une division de soldats, choisissant plutôt de lancer un appel aux armes le 6 août, provoquant une importante confusion. Un mois plus tard, 32 000 hommes et 8000 chevaux étaient rassemblés sur une plaine au nord-ouest de Québec, appelée Valcartier.

Presque les deux tiers des recrues étaient en fait d'origine britannique. Certains se sont même enrôlés pour rentrer chez eux afin de voir leur famille.

Les soldats ordinaires recevaient 1,10 $ par jour; un lieutenant-colonel touchait 5 $.

Au total, environ 620 000 Canadiens ont joint l'armée pendant la guerre, et près de 419 000 d'entre eux ont traversé l'Atlantique. Quelque 60 000 ne reviendront jamais.

Si la plupart étaient membres de l'infanterie, des milliers d'autres occupaient une myriade d'autres emplois. Canonniers, ingénieurs, personnel médical, vétérinaires pour soigner les milliers de chevaux et de mulets utilisés pour le transport. On comptait également des troupes chargées d'entretenir les réseaux ferroviaires, des bûcherons devant couper et transformer le bois, ou encore des sapeurs qui creusaient des tunnels sous les tranchées ennemies pour ensuite les piéger et les faire sauter.

Les sacrifices du Canada lui valurent une place au sein du conseil qui rédigea le Traité de Versailles.