Partis avec le bolide modifié d'un collègue pour en évaluer la performance, trois mécaniciens du garage Canbec BMW, à Montréal, ont terminé leur parcours dans deux poteaux de la rue Jean-Talon, en 2010. Le conducteur est maintenant jugé pour conduite dangereuse ayant causé la mort de l'un de ses passagers et des blessures à l'autre.

Les trois hommes étaient passionnés de voitures et amateurs de «drag». Le matin du 1er octobre 2010, avant de commencer leur quart de travail au garage Canbec, ils étaient tout contents d'aller essayer la rutilante BMW 135i d'un quatrième collègue. Les trois hommes auraient roulé pendant une quinzaine de minutes dans le secteur industriel près de l'autoroute Décarie.

La spectaculaire collision est survenue vers 7 h 25, à l'angle des rues Jean-Talon et Mountain Sights alors qu'ils retournaient au garage, situé tout près, rue Jean-Talon Ouest. Érik Bastos Couto, qui était au volant, a été gravement blessé, tout comme Robert Caza, qui était assis à l'arrière. Mais ils ont eu plus de chance que Jordan Pierce, le passager avant. Plongé dans le coma en raison de blessures au cerveau, le mécanicien de 28 ans est mort 5 semaines plus tard à l'hôpital.

Le procès de M. Couto, un père de famille de 34 ans, s'est tenu pendant deux jours cette semaine devant le juge Jean-Pierre Boyer. Des témoins oculaires ont raconté que ce matin-là, alors qu'ils attendaient le changement du feu sur le viaduc Décarie-Jean-Talon, ils ont été dépassés par une voiture qui roulait vite et qui faisait du bruit.

«La lumière est tombée verte, j'ai entendu un moteur gronder, il changeait les vitesses. Chaque fois, le char slyait, les roues spinnaient. Il a coupé un petit char blanc en avant, il slyait d'un côté et de l'autre, puis il a perdu le contrôle et il est rentré dans le poteau. Pour que le char monte à cinq-six pieds dans les airs (en percutant le poteau), il n'allait pas à la vitesse d'une trottinette», a illustré François Caron, un de ces témoins.

Trois facteurs

Selon les experts en enquête collisions du SPVM, l'accident est imputable à trois facteurs combinés: la vitesse, une manoeuvre brusque vers la droite lors d'un dépassement effectué dans de mauvaises conditions atmosphériques (il pleuvait).

Mais voilà, justement en raison de la pluie, les experts n'ont pas trouvé des traces de freinage ou de dérapage au sol, si bien qu'ils ne peuvent évaluer la vitesse à laquelle roulait le véhicule. Tout ce qu'ils peuvent déduire avec certains calculs, c'est qu'elle filait encore au moins à 39 km/h au moment de l'impact.

L'absence de la donnée «vitesse» apporte de l'eau au moulin de la défense. Une manoeuvre brusque ou peut-être malhabile, effectuée à une vitesse inconnue alors qu'il pleut, est-ce vraiment ce qu'on peut appeler une conduite dangereuse? a fait valoir Me Marc-Antoine Carette, qui représente l'accusé. Il a rappelé qu'il faut un écart marqué par rapport à ce qu'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation. Une simple imprudence n'est généralement pas criminelle, a-t-il souligné en reprenant les propos d'un juge. Même les bons conducteurs ont parfois des moments d'inattention.

Petite bombe

La procureure de la Couronne, Dannie Leblanc, voit les choses différemment. Décrite par les connaisseurs comme une véritable «petite bombe», la BMW 135i est dotée de 300 chevaux-vapeur dans sa version de base, ce qui est beaucoup comparativement aux 135 chevaux d'une voiture standard, a fait valoir MeLeblanc.

De plus, la voiture en question avait été modifiée pour être encore plus puissante, et le système antipatinage aurait été volontairement désactivé pour permettre des dérapages contrôlés. Compte tenu de toutes les circonstances, Me Leblanc considère que M. Couto s'est montré téméraire. D'autant plus qu'il circulait dans un endroit où il y avait un métro, des piétons et d'autres voitures.

Le juge Boyer rendra sa décision le 22 août.