Les arénas, bibliothèques, postes de police et casernes de pompiers de Montréal se dégradent de plus en plus rapidement. Plus de la moitié des bâtiments offrant des services directs aux Montréalais affichent un état de vétusté «critique», évalue le Service des immeubles.

Les fonctionnaires responsables de la gestion des bâtiments municipaux ont présenté hier les détails de leur budget pour l'année 2014. Ils ont lourdement insisté sur la vétusté du parc immobilier de Montréal.

Le Service évalue que 29% de ses 1500 immeubles ont atteint un seuil de vétusté «critique», soit le point où «des situations d'urgence peuvent entraîner la fermeture d'un édifice».

La situation est encore plus préoccupante dans les 877 bâtiments offrant des services directs aux citoyens, comme les arénas, les piscines ou les bibliothèques. «Plus de 50% de ces immeubles ont dépassé le seuil critique. On n'est plus juste au niveau d'entretenir, changer des filtres: il y a souvent des bris. On est plus en mode réactif qu'en mode entretien courant», a souligné Johanne Falcon, responsable de la direction des immeubles.

Cette dégradation est telle que les cols bleus consacrent désormais plus de temps aux réparations qu'à l'entretien régulier. «On parle plus d'entretien correctif que d'entretien courant compte tenu de l'état de nos bâtiments, dit Johanne Falcon. «On est rendus qu'on fait en bas de 50% de l'entretien planifié puisque notre vétusté est tellement élevée qu'on est souvent en appels d'urgence.»

Autre élément inquiétant, la direction des immeubles a constaté que même ceux construits dans les 30 dernières années affichent des taux élevés de vétusté. «C'est étonnant de voir à quel point même les bâtiments récents ont un profil similaire à ceux construits entre les années 50 et 80. Ça met beaucoup de pression sur les équipes d'entretien», a rapporté Mme Falcon.

Montréal calcule que ses immeubles affichent un déficit d'entretien de 1,1 milliard. Pour freiner la dégradation - sans même rattraper le retard -, le Service des immeubles affirme que son budget de fonctionnement devrait être doublé et ses projets d'investissements, passer de 119 millions à 150 millions par année.

«Bâtiment irrécupérable»

Le retard dans l'entretien des immeubles peut avoir des conséquences fâcheuses. Montréal en a eu un dur exemple en janvier quand des pluies ont provoqué une importante inondation dans un immeuble de l'arrondissement d'Ahuntsic.

«L'eau coulait comme si la pluie tombait directement dans le magasin», a affirmé Jacques Ulysse, directeur du Service de la concertation des arrondissements. Les gestionnaires qui ont nettoyé l'immeuble avaient de l'eau jusqu'aux chevilles.

Ce bâtiment servait d'entrepôt pour la Ville. Les fonctionnaires évaluent que pour 1 million de dollars de matériel a été touché, principalement des vêtements, mais aussi du matériel informatique, irrécupérable.

Lourdement endommagé, «le bâtiment est difficilement récupérable». De l'eau se serait infiltrée jusque dans les murs, posant un risque important d'incendie en raison d'une possible défaillance électrique. Depuis, tous les employés ont été relogés et le matériel sera acheminé à d'autres entrepôts.

Avant l'inondation, le bâtiment montrait déjà d'importants signes de vieillissement. Peu avant, une porte de garage s'était accidentellement détachée, s'effondrant au sol. Personne n'avait été blessé.

L'inondation a grandement indigné Russell Copeman, élu responsable des immeubles de l'administration Coderre. «On voit là une conséquence directe du déficit d'investissements et d'entretien.»

Cinq tonnes de béton enlevées d'urgence

Cinq tonnes. C'est la quantité de béton que la Ville de Montréal évalue avoir retiré d'urgence sous 52 ponts et tunnels inspectés après la chute, en janvier, de fragments sur un véhicule qui circulait sur l'autoroute 40, il y a trois semaines. L'administration Coderre annonce qu'elle imitera le ministère des Transports (MTQ) et inspectera toutes ses structures qui sont à risque lors d'importantes variations de température.

La chute d'un morceau de béton sur un véhicule le 13 janvier dernier avait poussé le MTQ et la Ville de Montréal à inspecter d'urgence leurs ponts, viaducs et tunnels à risque. Trois semaines après l'incident, la métropole vient de terminer l'inspection de 89 structures «ayant déjà présenté un risque de chute de fragments de béton ou ayant plusieurs éléments partiellement fonctionnels».

Les ingénieurs ont évalué que près des deux tiers des ponts et tunnels présentaient un risque. Montréal dit avoir sécurisé 52 d'entre eux en faisant tomber de façon préventive le béton qui menaçait de se détacher. La Ville a ainsi retiré pour l'équivalent de 5 tonnes de matériel, soit un peu plus de 200 lb de béton par structure.

C'est dans le centre-ville, soit l'arrondissement de Ville-Marie, que Montréal a dû faire le plus d'interventions. Sur 22 structures inspectées, 12 ont été sécurisées.

En plus des 52 structures sécurisées, 2 autres ont été jugées à risque, mais n'ont pas encore fait l'objet d'intervention pour le moment. Il s'agit du pont d'étagement de la rue Sainte-Catherine près de la rue Bercy et du pont d'étagement sur Sherbrooke Est, près de l'accès nord au Stade olympique.

Des ressources limitées

L'élu responsable des infrastructures à Montréal, Lionel Perez, s'est dit satisfait de la vitesse à laquelle s'est déroulé l'inspection, même si en comparaison, le MTQ avait mis seulement cinq jours pour inspecter 605 structures sur l'ensemble du réseau québécois

«Nos ressources sont plus limitées.» Rappelons que les inspections du Ministère avaient mené à 47 interventions sur des structures, dont 11 sur le territoire de Montréal.

Les épisodes d'importantes variations de température étant de plus en plus fréquents, la métropole a également décidé de suivre l'exemple du MTQ en resserrant sa vigilance sur ses infrastructures. «Dorénavant, un écart exceptionnel de température sera systématiquement suivi d'une opération blitz de vérification et de sécurisation. Cela s'ajoute aux inspections effectuées sur une base annuelle», a annoncé Lionel Perez.

Rappelons que l'incident du 13 janvier n'avait pas fait de victime. Le béton avait toutefois considérablement endommagé un véhicule.

Montréal est responsable de l'entretien de 589 structures, dont plus de la moitié ont plus de 40 ans. En septembre, la Ville disait avoir besoin d'investir 50 millions par année pour freiner la dégradation de ses ponts et tunnels. Le budget 2014 prévoit des investissements de 28 millions pour l'année.