Qu'elle le souhaite ou non, la FTQ pourrait être engagée dans une bataille judiciaire contre la Charte de la laïcité.

«Quand on a rencontré le ministre [des Institutions démocratiques Bernard] Drainville, le printemps dernier, je lui ai dit: "Vous cherchez le trouble en tabarouette!" On est confronté parfois à certains problèmes, dans les milieux de travail, mais la plupart du temps, on trouve des solutions», raconte Daniel Boyer, président de la FTQ.

En vertu du Code du travail, la FTQ doit représenter ses membres «de la même façon, sans discrimination aucune», lit-on dans le mémoire qu'elle présentera en commission parlementaire au cours des prochaines semaines.

«Les tribunaux ont été assez clairs là-dessus, explique M. Boyer en interview. Quand il y a une plainte pour discrimination qui est basée sur la Charte des droits et libertés, on a une obligation.»

Si une syndiquée de la FTQ contestait par exemple sa suspension ou son congédiement parce qu'elle porte le voile et qu'elle remettait en question la constitutionnalité de la Charte de la laïcité, son syndicat affilié devrait la représenter devant les tribunaux.

Membres divisés

La direction de la FTQ s'était déjà prononcée pour l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires chez les employés de l'État en position d'autorité, comme les juges, gardiens de prison, policiers et procureurs de la Couronne. C'était la recommandation de la commission Bouchard-Taylor. Mais au congrès de la FTQ en novembre dernier, après deux heures de débats mouvementés, cette position a été battue par ses membres.

«Nos membres sont divisés en trois blocs: ceux contre l'interdiction, ceux qui y sont favorables et ceux favorables à une position mitoyenne pour les figures d'autorité», raconte M. Boyer.

La FTQ espère «qu'aucun parti ne considérera ce projet de loi comme un enjeu électoral». La laïcité n'est «pas achevée», le statu quo est inacceptable et un «compromis consensuel» doit être trouvé. Mais l'interdiction du port de signes religieux «ne constitue ni la raison d'être ni la proposition principale» de la Charte de la laïcité, soutient le syndicat dans son mémoire. Il propose de mettre la question de côté, d'adopter une version amendée de la Charte et d'y revenir dans quelques années si nécessaire, après avoir fait le bilan.

La FTQ appuie les autres volets du projet péquiste: ajout de la neutralité religieuse de l'État dans la Charte québécoise des droits et libertés, obligation de donner et de recevoir les services de l'État à visage découvert (ce qui revient à interdire le voile intégral), et nécessité pour les accommodements raisonnables de respecter l'égalité hommes-femmes.

Elle souhaite aussi que le débat sur la laïcité soit «indépendant de celui sur l'intégration».

Pour lutter contre l'intégrisme, au lieu d'interdire le port de signes religieux, la FTQ croit qu'il serait plus efficace d'agir sur d'autres fronts. Par exemple en refusant des actes «non médicalement requis», comme le certificat de virginité.

La FTQ critique aussi le financement des écoles privées confessionnelles, le cours d'éthique et de culture religieuse ainsi que la Loi sur l'instruction publique, qui affirme encore que l'école doit «accompagner le cheminement spirituel des élèves». Cette séparation entre le religieux et l'État est «bien plus importante pour le cheminement des enfants que le port des signes religieux», lit-on dans son mémoire.