Aux grands maux, les grands moyens: l'Île-du-Prince-Édouard veut s'attaquer au fléau que constitue l'alcool au volant sur son territoire en imposant des plaques d'immatriculation spéciales aux récidivistes.

Ces plaques contiendraient un code facilement détectable par les corps policiers, qui pourraient identifier plus rapidement un conducteur au passé trouble qui circule sur les routes de la province, selon le ministre des Transports du gouvernement libéral de Robert Ghiz, Robert Vessey.

Le cabinet doit prendre une décision définitive d'ici quelques semaines et les nouvelles mesures pourraient entrer en vigueur au printemps, a indiqué M. Vessey dans une entrevue accordée à La Presse.

Record peu enviable

L'Île-du-Prince-Édouard est déterminée à faire baisser certaines statistiques inquiétantes. La province compte le plus grand nombre de cas d'automobilistes qui conduisent en état d'ébriété par habitant au pays, selon des données compilées par Statistique Canada. Pire encore, environ le quart des dossiers criminels devant les tribunaux de la province a trait à des délits de conduite avec facultés affaiblies. Autre statistique troublante: depuis 2008, 40% des automobilistes arrêtés ayant un taux d'alcool plus élevé que la limite permise sont des récidivistes.

C'est pour combattre ce fléau que le ministre Vessey a organisé un sommet en février réunissant les experts sur l'alcool au volant afin d'ébaucher un plan d'action. L'idée d'imposer des plaques d'immatriculation spéciales aux récidivistes - une mesure en vigueur dans les États américains du Minnesota et de l'Ohio - a alors été évoquée.

Pour l'heure, tout indique que l'Île-du-Prince-Édouard ira de l'avant avec cette mesure, même si elle soulève l'indignation des groupes de défense des libertés civiles. Ce faisant, la province deviendrait la première au pays à imposer de telles mesures. Mais cette idée pourrait faire boule de neige. L'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest ont communiqué avec le ministère que dirige M. Vessey afin d'obtenir des renseignements à ce sujet.

«Cela fait plusieurs années que le gouvernement tente de combattre ce problème. Les récidivistes représentent 40% des arrestations chaque année. Nous avons déjà adopté des changements, comme l'installation d'un antidémarreur avec éthylomètre pour les individus qui commettent une première infraction et la saisie de véhicules pour les automobilistes qui échouent un à alcootest. Cette nouvelle mesure serait un autre outil pour permettre aux policiers de garder un oeil sur les récidivistes», a expliqué le ministre Vessey.

Il a indiqué que les plaques ne visent pas à «humilier» les individus qui ont déjà été arrêtés en conduisant avec les facultés affaiblies. Car les plaques ne porteront pas de symboles ostentatoires qui pourraient être visibles par les autres automobilistes. Elles contiendraient une séquence précise de lettres ou de chiffres, ou une combinaison des deux, qui donneraient des informations inestimables aux policiers.

Il y a quelque 95 000 véhicules immatriculés à l'Île-du-Prince-Édouard. Moins d'une centaine de conducteurs se verraient imposer une plaque spéciale, selon le ministre.

«Conduire avec les facultés affaiblies est un crime sérieux. Ces plaques concerneraient les individus qui sont arrêtés pour la troisième fois. Nous avons l'obligation de rendre nos routes sécuritaires pour les automobilistes et les touristes. Si cela nous permet de sauver une seule vie par année, cela en vaut la peine», a dit le ministre.

Des appuis

> MADD

L'organisme MADD Canada (les mères contre l'alcool au volant) appuie la mesure que compte adopter l'Île-du-Prince-Édouard pour lutter contre l'alcool au volant. Selon l'organisme, entre 1250 et 1500 personnes perdent la vie chaque année à la suite d'un accident attribuable à l'alcool au volant, ce qui représente près de quatre morts par jour au pays. MADD Canada estime aussi que quelque 63 000 personnes subissent des blessures à cause de 

la conduite avec facultés affaiblies.

> NPD

Le Nouveau parti démocratique propose d'amender le Code criminel afin de donner aux policiers le pouvoir de procéder à des alcootests aléatoires, que le conducteur montre des signes évidents d'ébriété ou non. Le député de Saint-Jean, Tarik Brahmi a déposé un projet de loi en ce sens le mois dernier. MADD appuie aussi cette initiative, déjà permise en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans la plupart des pays européens.