L'ange de la mort a pourchassé Sonia Marlen Ramos Montes pendant des années. Et il l'a brutalement rattrapée le 14 novembre dernier.

Cela pourrait également résumer la courte vie de plusieurs membres de sa famille; au moins 15 d'entre eux ont été assassinés et autant ont été blessés par balle à Montréal et dans leur pays natal, le Honduras, peut-être en raison d'un conflit agraire. Quelqu'un semble nourrir à leur endroit une haine mortelle.

Et c'est selon nos sources une des pistes qu'examinent sérieusement les enquêteurs montréalais pour expliquer le meurtre, commis ici, de Mme Ramos Montes.

Il y a un mois jour pour jour, vers 6h, des résidants de la rue André-Ampère, dans l'arrondissement Rivière-des-Prairies, ont été réveillés par une série de coups de feu.

Sonia Marlen Ramos Montes, 31 ans, a ensuite été trouvée criblée de balles près de sa Honda CRV, dans laquelle elle s'apprêtait à monter pour se rendre au travail. Aucune trace du tueur.

Cette réfugiée logeait dans le secteur depuis quelques semaines avec ses enfants de sept et onze ans. Ils se trouvaient dans leur appartement lors du crime. Ils ont été pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse.

La police de Montréal s'est depuis faite avare de commentaires sur cette affaire inhabituelle. On fait toutefois appel au public pour aider les limiers à retrouver le tueur.

Le meurtre de Sonia Marlen Ramos Montes semble avoir été soigneusement préparé et commis de sang-froid. À la manière de ceux qui visent des membres du crime organisé. Ce n'est pourtant pas une criminelle. En revanche, elle baignait depuis longtemps dans des histoires de crimes violents. Dans son pays, elle aurait été témoin des pires atrocités.

Mme Ramos Monte était originaire de Francia, un petit village du département de Colón. Située au nord du pays, la région vit sous l'emprise de puissants cartels de drogue qui acheminent la cocaïne colombienne vers le Mexique, et elle est en proie à de sanglants conflits agraires opposant paysans et propriétaires terriens. C'est une des régions les plus violentes sur Terre.

Elle a affirmé y avoir été témoin des meurtres de ses parents.

Le 8 octobre 2004, elle a elle-même découvert les cadavres méconnaissables de son frère Denis Alexi et de son père Oscar Ramos Bobadilla. Ils venaient d'être victimes d'un attentat sur la route, à Bonito Oriental, lit-on dans des récits rédigés par des membres de la famille lors de leur demande de statut de réfugié au Canada.

En 2005, un autre de ses frères, Oscar Leonel - la famille comptait sept enfants - a été assassiné à Francia.

Mais l'horreur a atteint son paroxysme le 11 juillet 2006, alors que Sonia Marlen et ses enfants, deux de ses soeurs et un frère se trouvaient chez leur mère.

«Nous étions sur la terrasse. Des hommes sont arrivés et ont emmené ma mère dans la maison. Ils ont fouillé la maison avant de ressortir et d'abattre ma mère. Plusieurs hommes nous encerclaient. J'étais très inquiète pour mes enfants. Les hommes disaient que si nous bougions, ils allaient nous abattre aussi», a écrit Sonia Marlen Ramos Montes dans une lettre destinée aux autorités de l'Immigration.

Quatre mois plus tard, son mari était à son tour assassiné, puis l'été suivant, c'était le mari de sa soeur.

Partir

Sa soeur a finalement vendu sa maison et sa terre. Cent mille lempiras. Moins de 5400 dollars canadiens. Une somme qui a servi à financer leur fuite en autobus à travers le Guatemala et le Mexique, jusqu'à Houston, aux États-Unis.

Puis, un 11 août 2007, elle s'est présentée au poste frontalier de Lacolle au Québec. Elle a demandé le statut de réfugié au Canada, comme d'autres membres de sa famille.

Tous ont invoqué le fait qu'ils étaient victimes d'une vendetta, car cette famille de paysans possédait quelques terres agricoles près de Francia. La vendetta était orchestrée par des criminels locaux.

«Ils ont quelque chose contre nous et ils veulent en finir avec chaque membre de la famille. Je crois que c'est à cause d'une terre. Une terre qu'ils veulent nous prendre», a affirmé un membre de la famille Ramos aux douaniers de Lacolle quand il a demandé la protection du Canada.

Leur histoire a convaincu les autorités de l'immigration qu'ils étaient de bonne foi et couraient un réel danger s'ils étaient renvoyés chez eux. On a donc reconnu leur «qualité de personnes à protéger».

Mais même au Québec, il semble qu'ils n'étaient pas en sécurité.

En 2010, un cousin de Sonia Marlen Ramos Montes a été assassiné et son jeune frère blessé, dans le quartier Saint-Michel.

Puis le 14 novembre, c'était au tour de la jeune mère. Une vie tragique de bout en bout.

Depuis, nous dit un de leurs proches, les membres de la famille sont à nouveau en proie au sentiment de terreur qui les habitait dans leur pays.