L'entreprise qui fait le tri de votre bac de recyclage à Montréal a pris un pari audacieux il y a quelques années. Et aujourd'hui, son pari tourne mal.

En 2007, la Ville de Montréal lance trois appels d'offres pour le tri des bacs de recyclage pour des contrats qui s'appliqueront à partir du 1er janvier 2009. Rebuts Solides Canadiens (RSC) dépose alors une offre que la Ville ne peut refuser : RSC ne demande rien, 0 $ la tonne, pour recevoir tous les rebuts. En échange, l'entreprise loge gratuitement dans un immeuble au Centre environnemental Saint-Michel, voisin de la TOHU. À l'époque, RSC croit pouvoir faire de l'argent simplement en revendant les matières.

Erreur. En 2008, la crise économique mondiale frappe et la demande pour les matières recyclables chute. Les camions continuent de déverser leurs chargements chaque jour, mais personne ne veut de leur contenu. Les centres de tri n'arrivent tout simplement plus à se débarrasser de leurs stocks et se retrouvent sans revenus.

RSC n'a même pas encore commencé à réaliser son nouveau contrat qu'elle se trouve déjà dans une position difficile. « C'était un pari. Comme toute autre entreprise, chacun à ses risques. Comme on dit, si c'était à refaire, on le ferait autrement », laisse tomber Gilbert Durocher, vice-président aux opérations de Rebuts Solides Canadiens. La Ville de Montréal viendra au secours de l'entreprise en 2009. Elle débloque une enveloppe de 3 millions de dollars pour partager les pertes du centre de tri. En contrepartie, elle touche une partie des profits, lorsqu'il y en a.

Cinq ans plus tard, le marché s'est quelque peu amélioré. Au moins, les entreprises arrivent aujourd'hui à vendre leurs matières. Mais elles le font à perte. La situation financière des 37 centres de tri du Québec reste donc précaire.

Même si l'industrie des matières recyclables est cyclique, vivre deux périodes creuses dans un laps de temps si rapproché est une première. « On vend à perte actuellement. Je ne vous expliquerai pas l'état de mes finances, mais on est dans une situation défavorable. On n'avait jamais vu ce qui se passe depuis 2008. Si on recule depuis le début du recyclage, on n'avait jamais vu ça », explique Gilbert Durocher.

Et RSC n'a d'autres choix que d'attendre : son contrat avec la Ville de Montréal est en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018. Mais quand on ne fait pas d'argent, bien difficile d'investir dans l'entreprise pour améliorer la qualité du produit. Comme tous les autres centres de tri au Québec, celui de Montréal est à la merci des aléas du marché. Les camions n'arrêtent pas de déverser leur chargement chaque jour pour autant. Entre les deux, l'équilibre est précaire. Chose certaine, les centres de tri seront dans une fâcheuse position si les prix demeurent aussi bas qu'actuellement. « Si la tendance se maintient, c'est à peu près ça », lâche Gilbert Durocher.

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Taux de mise en valeur des matières provenant de la collecte sélective.

Ensemble des matières : 59 %

Papier : 75 %

Métal : 37 %

Plastique : 16 %

Verre : 53 %

Prix moyen des matières à la sortie des centres de tri (à la tonne, moyenne 2013)

Plastiques mélangés : 192 $

Sacs et pellicules plastiques : 27 $

Papiers mélangés : 63 $

Papiers blancs : 230 $

Canettes d'aluminium : 1325 $

Verre mélangé, non décontaminé : -20 $

Source : Recyc-Québec