Les 15 radars photo en fonction au Québec sont situés sur des routes où surviennent très peu d'accidents graves et mortels, révèle une enquête de La Presse. En fait, de nombreux radars surveillent des tronçons où n'était arrivé aucun accident grave dans les trois années précédant leur implantation.

Pour beaucoup d'automobilistes, ce sont des «pièges à contraventions» et rien d'autre. Selon le gouvernement, ils ont été installés selon des critères stricts, dont la gravité des accidents, afin d'améliorer la sécurité des usagers de la route. Depuis l'implantation des 15 premiers radars de la province en 2009, le débat fait rage.

Notre équipe a voulu tirer la question au clair.

Nous avons comparé l'emplacement des cinémomètres avec les milliers d'accidents graves ou mortels qui sont survenus dans les trois années et demie précédant leur installation. Le constat : peu ou pas d'accidents mortels ou considérés comme graves par la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) n'étaient arrivés aux endroits choisis.

À l'inverse, les endroits où surviennent un grand nombre d'accidents graves, comme l'échangeur des autoroutes 15 et 440 à Laval, la route 158 dans Lanaudière, la route 337 à Terrebonne et l'autoroute 640, par exemple, ne sont à ce jour pas munis d'un détecteur de vitesse permanent.

Paradoxe semblable à Montréal, où les 15 endroits les plus gravement accidentés de l'île, qui comptent à eux seuls 88 accidents avec tués ou blessés, dont 24 piétons et 16 cyclistes, n'ont pas de surveillance radar.

«Il y a comme un déséquilibre», constate l'ingénieur routier et expert en sécurité routière Ottavio Galella, de la firme indépendante Trafix. 

Efficace... là où il y en a

Notons toutefois que les appareils ont eu un effet très positif là où ils ont été installés. Depuis 2009, ils ont fait baisser le nombre d'accidents de 20 à 30 %, les excès de vitesse de 64 % et les passages sur feu rouge de 84 %. 

Ils pourraient donc être efficaces là où les accidents sont les plus sérieux, croit M. Galella. «C'est difficile de comprendre pourquoi les sites avec le plus de morts et de blessés ne figurent pas parmi les priorités. Il y a des endroits où on a fait des installations qui auraient pu être moins prioritaires.»

Prenons, par exemple, le radar situé à l'angle des rues D'Iberville et Sainte-Catherine, à Montréal. Selon la fiche technique publiée sur le site internet du ministère de Transports (MTQ), l'intersection avait été le théâtre de 25 accidents dans les trois ans avant l'implantation du radar, dont 72 % causés par un véhicule ayant passé sur un feu rouge. De ce nombre, on ne compte toutefois que deux accidents graves et aucun accident mortel, indiquent les données que nous avons obtenues auprès de la SAAQ.

L'appareil de surveillance à l'angle des rues University et Notre-Dame Ouest a pour sa part été installé après 49 accidents en trois ans, dit le MTQ. Mais toujours selon nos données, personne n'a été blessé grièvement durant cette période. On ne compte aucun mort.

Même histoire pour le cinémomètre à l'intersection de la rue Paré et du boulevard Décarie, où, malgré 193 accidents, on ne compte ni mort ni blessé grave dans les trois années et demie précédant son installation.

Ce ne sont là que des exemples parmi plusieurs autres.

Le ministère des Transports explique s'être basé sur plusieurs critères, et pas uniquement la gravité des impacts, dans le choix des emplacements des radars photo. «On en avait 15. On ne pouvait pas en mettre partout, explique le porte-parole Jacques Nadeau. On a décidé en fonction de l'accidentogénéité causée notamment par la vitesse et par le nombre de collisions à angle droit lorsqu'il s'agit d'un feu rouge.»

«S'il fallait s'en tenir à une liste très limitée de radars, j'aurais estimé souhaitable de trouver des intersections où il y a beaucoup d'accidents graves impliquant des piétons», répond Otavio Galella.

Ajustements en vue

Le MTQ se défend d'avoir placé les appareils de surveillance aux mauvais endroits. Il précise toutefois que des ajustements sont à prévoir.

«Le but [avec les premiers radars] était de voir les différents impacts aux différents endroits. À mesure qu'on va peaufiner et qu'on va mesurer la réaction des automobilistes, on va s'ajuster, dit M Nadeau. Notre but est toujours d'améliorer la sécurité.»

Les radars existants situés en Montérégie, dit-il, ont servi de laboratoire pour l'environnement périurbain, Montréal pour la densité de la circulation et la région de Chaudière-Appalaches pour son mélange de routes urbaines et rurales.