Deux grandes commissions scolaires francophones de l'île de Montréal ont adopté, au cours des dernières années, des positions radicalement opposées en ce qui a trait aux congés religieux accordés au personnel enseignant.

La commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), où le tiers du personnel est issu de l'immigration, a récemment fait retirer de la convention collective la disposition qui permettait aux employés d'obtenir des congés religieux en plus des jours fériés.

«C'était devenu inéquitable», dit la présidente de la CSMB, Diane Lamarche-Venne. Au moment où cette mesure avait été négociée dans la convention collective, la CSMB recevait annuellement une dizaine de demandes de congés supplémentaires. L'an dernier, «on était rendus à 100 demandes», souligne Mme Lamarche-Venne.

Désormais, les membres du personnel qui désirent prendre congé pour la fête de l'Aïd ou le Yom Kippour peuvent le faire à même leur banque personnelle de congés. «Nous vivons très bien avec la diversité chez nous. Mais on a senti une petite friction sur la question des congés religieux. On a vu que ça pouvait devenir délicat. On a eu une opportunité avec la fin de la convention. On a mis ça sur la table. L'entente a été acceptée à l'unanimité.»

Scénario inverse à la CSDM

À l'inverse, à la Commission scolaire de Montréal (CSDM), on a établi, au cours des dernières années, une liste de huit fêtes religieuses pour lesquelles les enseignants peuvent demander des jours de congé supplémentaires.

Un employé juif peut ainsi demander congé pour le Yom Kippour, le début de la Pâque et le Nouvel An. Un musulman, pour le début et la fin du ramadan, la fête du sacrifice et la fête du Prophète. Les orthodoxes, eux, peuvent demander congé pour Noël et le Vendredi saint.

L'employé doit faire une demande par écrit et fournir divers documents qui montrent qu'il est bel et bien pratiquant. «C'est vraiment du cas par cas», explique Alain Perron, porte-parole de la CSDM.

Sur 16 000 employés, l'an dernier, la CSDM a reçu 489 demandes de congés religieux. Les coûts de cette mesure s'élèvent à 164 000$. «C'est vraiment une problématique qui est à la marge si on considère le nombre d'employés», dit M. Perron. Ce dernier n'est pas en mesure de préciser quelle proportion de ces demandes de congé est acceptée.

«La gestion de cette problématique est un défi. Il y a un risque d'iniquité. Mais on nous a dit que cette question s'était rendue jusqu'en Cour suprême et que nous devions respecter cette jurisprudence», fait valoir la présidente de la CSDM, Catherine Harel-Bourdon.

Il y a cinq ans, devant la commission Bouchard-Taylor, la CSDM abordait déjà la question des congés religieux, selon la présidente.

«En ce qui regarde le personnel scolaire, on fait état d'un sentiment d'iniquité entre les membres du fait que certains d'entre eux bénéficient de congés supplémentaires. Comment trouver un accommodement raisonnable sans être inéquitable?», disait le mémoire de l'organisme.

Dans certaines écoles où le personnel a des origines semblables, les congés religieux ont parfois posé problème, dit Gaétan Nault, de l'Association des directeurs d'école de Montréal. Des enseignants de même confession ont pu contribuer à désorganiser le fonctionnement de l'école en prenant massivement congé le même jour.

Que deux commissions scolaires montréalaises aient adopté deux positions si radicalement différentes sur un même enjeu démontre le besoin de règles communes, estime Rachida Azdouz, directrice des services de soutien à l'enseignement à l'Université de Montréal. Mme Azdouz agit fréquemment comme consultante sur la question des accommodements raisonnables pour les organismes publics.

«Ça veut dire deux choses: un, que les balises ne sont pas claires. Et deux, qu'il y a moyen de faire travailler son imagination et de trouver une réponse. Mais l'imagination peut dans certains cas être une arme à double tranchant», dit-elle.