Après les soubresauts des derniers mois à Laval, qui a vu passer trois maires, une véritable campagne électorale s'amorce officiellement le mois prochain. Mais avant d'y plonger, La Presse a proposé aux candidats à la mairie - Robert Bordeleau, Marc Demers et Jean-Claude Gobé - de lui faire découvrir Laval

En 1968, le mouvement étudiant manifeste son mécontentement par rapport aux droits de scolarité à payer. Une des occupations a lieu à l'école secondaire Mont-de-La Salle, à Laval. Marc Demers fait partie des élèves coincés dans l'édifice ceinturé par des dizaines de policiers. L'épreuve de force forgera l'esprit de cet élève jusque-là «conventionnel qui écoutait l'autorité».

«C'est un beau site qui a été témoin de plusieurs points tournants dans ma vie. Mon passage au secondaire, ici, a été déterminant dans le chemin que j'ai décidé de prendre dans la vie. [...] Pendant l'occupation, un professeur de philosophie nous avait dit que dans une démocratie, les lois ne sont pas là pour asservir les citoyens, mais pour les servir», raconte M. Demers, qui assure avoir retenu la leçon. Une graine de rebelle? «Non! Un esprit libre», réplique-t-il en riant.

La responsabilité

Une longue promenade dans le parc des Prairies, qui s'ouvre juste derrière l'école, permet d'ailleurs à M. Demers de poursuivre sur le même thème. Il raconte des bribes de sa carrière de lieutenant-détective dans la police de Laval, des lieux marquants de Laval qui ont parfois l'allure de scènes de crime et de violence de toutes sortes. Là encore, il insiste pour rappeler que même dans la police, «lorsqu'on est moralement convaincu d'un point de vue, il faut le défendre jusqu'à questionner un ordre».

Et on continue à marcher, à faire remonter à la surface son passé: entreprise de loisirs, direction des Jeux du Québec, engagement syndical, puis la famille. À la sortie d'un sentier, on s'arrête pour amener la discussion sur la course à la mairie, et là, il attache les fils qui justifient cette visite de son école secondaire.

«J'espère changer les mentalités afin que la loyauté première des fonctionnaires soit dirigée vers la population plutôt que vers un maire ou un directeur», dit d'abord

M. Demers. Il poursuit en soulignant que les scandales qui ont explosé à l'hôtel de ville démontrent à quel point la responsabilité de tous est fondamentale. «Les fonctionnaires ont été victimes d'un mauvais leadership. Plusieurs ont manqué le bateau en écoutant les ordres sans réagir. Ça ne doit plus se produire», affirme-t-il.

Monsieur le maire

Quand M. Demers décide de nous faire visiter l'intérieur de l'école, avec sa chapelle aux vitraux colorés, on se bute à une porte fermée à double tour. Puis, il y a du mouvement à l'intérieur et un homme entrebâille la porte. «Vous savez qu'il y a des fantômes ici?» La question est lancée avec un sérieux désarmant. C'est le serrurier de la commission scolaire, qui se désole de ne pas pouvoir nous laisser entrer. Quand il quittera l'édifice quelques minutes plus tard, il saluera M. Demers, qu'il a reconnu, en l'appelant «Monsieur le maire».

Cette notoriété est-elle associée à son engagement politique avec le Parti québécois dès qu'il a pris sa retraite de la police? Ne risque-t-elle pas surtout de lui nuire auprès de certains électeurs? «Je suis prêt à promettre de ne pas faire de Laval un pays libre et indépendant, dit-il avec ironie. Ce n'est pas la place pour ces discussions. Il faut s'élever au-dessus de ces considérations au municipal», tranche-t-il, avant d'amener La Presse dans une tournée des projets immobiliers controversés à Laval.