Une publicité télévisée pour le Jour de la Terre dans laquelle on voit un bulldozer rasant une forêt ulcère l'industrie forestière québécoise.

Estimant qu'elle projette une image «injuste» et «anachronique» des pratiques aujourd'hui en cours, des ingénieurs, des associations et des centres de formation ont inondé l'organisme de courriels demandant le retrait de la publicité.

Le Jour de la Terre, fêté au Québec le 22 avril depuis 1995, se veut une façon de sensibiliser la population aux enjeux environnementaux. Aux bureaux de l'organisme, rue Sainte-Catherine à Montréal, on estime avoir reçu plus de 45 courriels de plaintes de divers intervenants de l'industrie forestière concernant cette publicité.

On y voit un homme souffler dans une flûte d'anniversaire qui, en se déroulant, montre une forêt. La bande déroulante est ensuite refermée par une excavatrice. Le même concept est réutilisé avec la mer et un bateau. Conçue gratuitement par l'agence Sid Lee, elle est diffusée sur quelques chaînes, dont TVA, TV5 et Canal D, depuis le 1er avril.

«Écoeurantite aiguë»

«Il y a une écoeurantite aiguë de se faire taper dessus, dit François-Hugues Bernier, porte-parole de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Ça m'a beaucoup surpris, mais surtout déçu qu'en 2013 on puisse dépeindre l'industrie québécoise de cette façon. Depuis L'Erreur boréale, oui, on a fait de l'introspection, on s'est remis en question.»

L'industrie rappelle que ses émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 60% en une décennie. Près de 95% des forêts sont aujourd'hui certifiées FSC, un gage de gestion durable, contre 20% au moment de la diffusion du documentaire.

Les pratiques ont évolué, estime M. Bernier. «On ne fume plus dans les hôpitaux comme on ne fait plus de la foresterie comme en 1970.»

Même son de cloche du côté de l'Association forestière de Lanaudière, qui a envoyé un courriel de plainte. «Elle est très belle, cette pub, il faut en convenir, dit Diane LeBel, directrice. Mais on sait qu'au Québec, on est une région où il y a le plus de certifications. Il y a des critères concernant le respect de la population, des écosystèmes, de la régénération, de la faune.»

Le directeur général du Jour de la Terre Québec, Pierre Lussier, se dit d'emblée «désolé» de cette controverse. Pas question cependant de retirer la publicité, qui s'inscrit dans une longue tradition de messages percutants pour la circonstance

«On n'avait pas vu ça venir, pas du tout. Il faut la mettre dans le contexte de nos autres campagnes. L'arbre est souvent présent, c'est notre symbolique. Il est déjà arrivé que certains commanditaires se retirent en terme de visibilité.»

M. Lussier estime cependant que l'industrie forestière se trompe de cible en tentant d'obtenir le retrait de cette publicité. «L'industrie a quelques centaines d'années à rattraper. Le chemin va être long pour changer la perception. Il faut être dans l'action et il va en falloir en tab..., des actions, pour changer la perception.»