Il y a une vie pour des militaires d'expérience et de haut rang après leur séjour dans l'armée canadienne. En particulier au sein des firmes de sécurité privées qui opèrent dans les zones à haut risque pour protéger des diplomates, des ONG ou pour sécuriser des sites industriels d'attaques terroristes, comme celle survenue en Algérie. Mais dans le cas de ces hauts gradés, le mot «mercenaire» est banni!

Pour la seconde fois en quelques mois, Garda World, la division de protection internationale de Garda, repêche un ex-haut gradé des Forces canadiennes. Selon le site Intelligence Online, bulletin d'information sur le renseignement, la firme montréalaise s'est adjoint les services du lieutenant-colonel Andrew Zdunich. Il deviendrait le responsable des opérations de Garda en Libye. La firme y serait bien implantée avec des contrats de protection pour des multinationales.

Zdunich dirigeait jusque tout récemment le régiment Queen's York Rangers.

Cette unité de reconnaissance basée à Toronto a mené plusieurs missions en Bosnie et en Afghanistan. Zdunich lui-même a été envoyé deux fois en Afghanistan, en 2004 et 2012.

Fin 2011, la firme de sécurité privée avait frappé un grand coup en récupérant l'ex-brigadier général Daniel Ménard, un militaire de Valcartier. Une nouvelle passée presque inaperçue néanmoins.

L'ex-commandant des Forces canadiennes en Afghanistan avait quitté l'armée en juillet 2001 dans l'humiliation, après avoir été rétrogradé et condamné en cour martiale. L'armée lui reprochait une «relation inappropriée» avec une militaire en mission comme lui à Kandahar. Ménard est de retour en Afghanistan, où Garda a plusieurs contrats de protection, mais en civil cette fois. En entrevue au magazine McLean's, le président de Garda, Stéphan Crétier, convient que sa nouvelle recrue avait commis une «grave erreur» alors qu'il avait un «bel avenir» au sein de l'armée. «C'est un expert bourré de talent et il possède des compétences remarquables. Il nous aide beaucoup en Afghanistan.»

Garda dit se concentrer sur la protection d'ONG, de diplomates et de grandes firmes, en particulier pétrolières. La société montréalaise s'occupe notamment de la sécurité des diplomates du Foreign Commonwealth Office britannique dans les zones chaudes, dont l'Irak.

Dans l'organigramme de Garda World, on remarque aussi le nom de l'amiral américain Eric T. Olson, un ex-commandant des forces spéciales navales. Ce «Navy seal» a été décoré pour sa participation à l'opération de Mogadiscio, en Somalie, en 1993 (immortalisée dans le film Black Hawk Down). Il a aussi participé à la planification du raid qui a mené à l'élimination d'Oussama ben Laden au Pakistan.

Une image ternie par Blackwater

Nathalie de Champlain, directrice des communications du groupe, confirme l'embauche d'Andrew Zdunich. Elle rappelle que le domaine d'activité ainsi que les zones géographiques dans lesquelles Garda a des contrats de protection nécessitent l'«expertise» qu'ont ces vétérans hauts gradés de l'armée, en particulier québécois mais aussi britanniques, français et belges. Un travail qui nécessite une «approche low profile», aux antipodes du mercenaire et de «l'histoire qu'on a connue avec Blackwater», insiste-t-elle. Un travail à risque aussi. Le seul mort français à In Amenas, en Algérie, était un ancien des forces spéciales qui assurait la sécurité du site.

Il n'en demeure pas moins que des pays comme l'Afghanistan, la Libye, l'Irak et autres sont un eldorado pour des milliers de mercenaires, ou «soldats de fortune», payés 500 ou 600$ et dans certains cas jusqu'à 1000$ par jour. Plusieurs firmes de sécurité privées qui emploient ces paramilitaires, souvent anglo-saxonnes ou américaines, traînent une réputation sulfureuse en raison de nombreux dérapages dignes de scènes du Far West. Blackwater (rebaptisée Academi) a notamment été tenue responsable de la mort d'une quinzaine de civils à Bagdad. Ils ont été abattus par ses employés assurant la sécurité d'un convoi diplomatique en 2007. La même année, près de Kandahar, en Afghanistan, des soldats canadiens de Valcartier ont aussi été pris dans un échange de coups de feu avec des gardes de la firme Compass.

Le gouvernement du Canada n'a pas hésité dans le passé à s'adjoindre les services de certaines de ces firmes controversées, dont Saladin, pour la sécurité de ses représentations diplomatiques ou de certaines installations en Afghanistan.

Garda World n'a pas été épargnée par la polémique. Il y a un an, La Presse avait recueilli le témoignage critique d'un rescapé d'un enlèvement survenu à Bagdad, en 2007. Peter Moore, un Britannique, avait été kidnappé avec ses quatre gardes du corps de Garda World, Britanniques eux aussi. Il avait été libéré en 2009, mais les employés de Garda World avaient tous été exécutés. Pour Peter Moore, Garda World a abandonné ses employés à leur triste sort, ce que réfute Stéphan Crétier.