L'étau s'est encore resserré hier autour de Gilles Vaillancourt. Quelques heures après avoir été visé pour la troisième fois par une perquisition de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), le maire de Laval a annoncé que les événements récents l'avaient ébranlé au point où il devait quitter temporairement ses fonctions pour des raisons de santé.

C'est le vice-président du comité exécutif de Laval, Basile Angelopoulos, qui en a fait l'annonce en début de soirée.

«Depuis quelques semaines, plusieurs événements ont créé une situation très pénible qui se reflète sur sa vie actuelle. Devant tout ça, il a consulté son médecin qui lui a conseillé de prendre du repos afin de retrouver cette quiétude d'esprit nécessaire pour effectuer une réflexion», a-t-il indiqué dans une conférence de presse à l'hôtel de ville, accompagné des autres membres du comité, qui assurera la gestion de la municipalité en l'absence de M. Vaillancourt.

«Il sera en mesure de vous faire connaître le fruit de cette réflexion prochainement», a ajouté M. Angelopoulos.

Pas question de démission

Cette décision a été prise au terme d'une longue réunion à huis clos du comité exécutif, hier après-midi.

M. Angelopoulos affirme qu'il n'a pas été question de la démission de Gilles Vaillancourt au cours de cette rencontre.

«La Ville n'est pas en crise», a-t-il martelé, en réaffirmant sa confiance envers Gilles Vaillancourt.

Le matin même, les policiers de l'escouade Marteau ont mené des perquisitions dans des agences bancaires dans lesquelles le maire, sa femme et un ami louaient des coffrets de sûreté. Ils auraient découvert 100 000$ en liquide dans certains de ces coffrets, a appris La Presse.

L'opération qui s'intéresse aux transactions financières du maire, y compris de possibles transferts vers des paradis fiscaux, a été menée dans la plus grande discrétion, pendant qu'il présidait une séance publique du comité exécutif. Une demi-douzaine de coffrets répartis notamment dans trois succursales de la Banque Nationale et à la caisse populaire des Mille-Îles ont été ouverts avec l'aide d'un serrurier, a-t-on appris. Les agences visitées étaient situées sur les boulevards Daniel-Johnson, Cartier Ouest, Concorde Est et de l'Avenir.

«Les autorités policières avaient communiqué avec notre service de sécurité et le personnel des succursales a été avisé et a collaboré», précise Joan Beauchamp, conseillère senior aux relations publiques à la Banque Nationale.

Quatrième vague

Il s'agit de la quatrième vague de perquisitions en moins d'un mois qui vise la Ville de Laval, et la troisième qui cible Gilles Vaillancourt personnellement.

La caisse populaire visitée par les policiers est présidée par Me Pierre L. Lambert, avocat chez Dunton Rainville et homme de confiance du maire pour l'avancement des grands dossiers, dont celui du nouvel amphithéâtre.

La première opération de l'UPAC a eu lieu le 4 octobre dernier. Les enquêteurs de Marteau avaient frappé à quatre adresses, dont l'hôtel de ville, les serveurs informatiques ainsi que la maison du maire, actuellement en vente.

Le lendemain, à peine le maire avait-il clamé son refus de démissionner que les policiers ont obtenu deux autres mandats de perquisition pour fouiller cette fois-ci un appartement qu'il occuperait et son local d'entreposage, situés dans un immeuble de luxe, chemin des Cageux. L'appartement de près de 350 m2 sur deux étages, dont la valeur au rôle frôle le million de dollars, est officiellement au nom de sa cousine Ginette Vaillancourt, qui habite un condo voisin de taille et de prix similaires.

Comme La Presse l'a déjà révélé, l'appartement qu'occupe Gilles Vaillancourt lui aurait été fourni «nu» par le promoteur, c'est-à-dire sans aucun aménagement intérieur. Les policiers auraient reçu de l'information selon laquelle le promoteur aurait bénéficié d'un dézonage. Le chef de police de Laval habite aussi cet immeuble.

Policiers de Laval écartés

Une autre opération a aussi visé récemment des entrepreneurs membres d'un cercle restreint qui obtenait la majeure partie des contrats accordés à Laval.

Jamais les policiers de Laval n'ont été impliqués dans ces frappes, ce qui est plutôt inhabituel.

Par ailleurs, le maire Vaillancourt est aussi sous le coup d'allégations de financement occulte et de tentative de corruption, si l'on croit les déclarations faites à Radio-Canada par l'ex-député Serge Ménard, l'ex-député libéral Vincent Auclair et Claude Vallée, collecteur de fonds du PQ. Lino Zambito a aussi soutenu que le maire percevait une «taxe de 2,5%» de la valeur des contrats attribués par sa ville.

En après-midi, la sécurité empêchait les représentants des médias d'entrer d¬ans la mairie où se déroulait, à huis clos, la séance du comité exécutif.

«Je n'ai pas rencontré M. Vaillancourt depuis qu'il a été mis au courant des perquisitions, a déclaré sa porte-parole Josée Bournival, mais je sais que la dernière fois, ça l'a vraiment choqué. C'était difficile pour lui. Ça doit encore aujourd'hui être extrêmement difficile.»

Selon un sondage CROP publié par La Presse cette semaine, 68% des Lavallois jugent que leur maire est corrompu. Mais à peine un tiers souhaite son départ immédiat.

Enfin, dit l'opposition

Depuis sept ans, le candidat à la mairie de Laval Robert Bordeleau demande au maire Gilles Vaillancourt de démissionner ou de se retirer. Il s'est réjoui du retrait temporaire de M. Vaillancourt. «C'est rendu grave, ce qui se passe, Laval est en crise», a dit le chef du Parti au service du citoyen.

En politique municipale depuis 19 ans, il dit avoir entendu de nombreuses rumeurs et allégations sur le maire Vaillancourt au fil des ans. «J'espère maintenant qu'il va y avoir des accusations, parce que si c'est vraiment ce qui se passe [les présumés détournements de fonds], c'est criminel», a-t-il ajouté.

La nouvelle du retrait du maire n'a pas surpris l'autre parti de l'opposition, le Mouvement lavallois.

«Par contre, on est surpris que ça ait pris aussi longtemps avant qu'il prenne sa décision pour le bien des Lavallois. Il prend une décision intègre pour la première fois», a lancé le président David De Cotis. Depuis sa fondation en 2008, le parti a plusieurs fois dénoncé le maire pour son manque de transparence.

L'escouade Marteau a perquisitionné dans trois institutions financières mercredi. Les policiers visaient des coffrets de sécurité qui appartiennent au maire. Les enquêteurs essaieraient de retrouver des dizaines de millions détournés dans des paradis fiscaux, selon Radio-Canada.

Poursuite des travaux

«Il a fallu que les policiers aient un dossier d'enquête actif, qu'ils aient convaincu un juge qu'il y a eu un ou plusieurs crimes, que M. Vaillancourt a un lien avec ces crimes et que des preuves reliées à ces crimes sont présentes aux adresses perquisitionnées», a dit M. De Cotis.

Le comité exécutif continuera les travaux en l'absence de M. Vaillancourt.

Robert Bordeleau ne croit pas qu'une mise sous tutelle de la Ville soit utile. «On a des élections en novembre 2013. Le temps qu'on mette en tutelle, ça ne vaut pas la peine», a-t-il précisé.

Aucun des deux partis n'a d'élus à la mairie de Laval.