Un maire de la Côte-Nord risque de perdre son siège après une manoeuvre qui lui a permis d'empocher une compensation de 14 500$ du ministère des Transports (MTQ), a appris La Presse.

Le ministère des Affaires municipales (MAMROT) a ouvert une enquête sur un imposant chantier de 78 millions lancé le mois dernier sur la route 138. Le projet prévoit l'aménagement d'une voie de contournement afin d'éviter de traverser le coeur de la municipalité de Longue-Rive, à mi-chemin entre Tadoussac et Baie-Comeau.

Durant la préparation du projet, le conseil municipal de Longue-Rive a voté une résolution, en janvier 2011, pour demander un changement au tracé de la route afin d'éviter d'amputer trop de cases à un stationnement. Le Ministère a accepté cette requête.

En apparence anodin, ce déplacement du tracé a eu pour effet de rapprocher la route d'une maison abandonnée, ce qui a forcé son expropriation. Déjà, 15 propriétaires avaient appris que leur maison devrait être démolie pour faire place à la voie et s'étaient partagé un total de 1,7 million de dollars en indemnisation. Le changement ajoutait une 16e propriété.

L'histoire se corse toutefois lorsqu'une plainte est formulée au MAMROT. L'enquête a permis de découvrir que le propriétaire de la maison «numéro 326» était le maire de Longue-Rive, Donald Perron.

Au cabinet du ministre des Affaires municipales et des Transports, on confirme que Donald Perron a bel et bien touché une compensation pour l'expropriation de sa propriété. «La maison et le terrain ont été acquis pour la somme de 14 500$», indique Yann Langlais-Plante, attaché de presse du ministre des Affaires municipales.

Donald Perron n'a pas rappelé La Presse, qui tente de le joindre depuis une semaine. Il a toutefois dû dire à ses concitoyens, lors de la dernière séance du conseil municipal, qu'il s'était placé en conflit d'intérêts.

Le maire a été obligé de lire une lettre expliquant que tous les élus sont tenus par la loi de dévoiler la liste de toutes leurs possessions afin d'éviter de se placer en conflit d'intérêts. Dès qu'un vote touche l'un de leurs intérêts, ils sont ainsi tenus de s'abstenir d'y prendre part.

Or, Donald Perron n'a fait ni l'un ni l'autre. Le bâtiment exproprié n'a jamais été inscrit à sa déclaration d'intérêts pécuniaires et il a pris part au vote menant à son expropriation.

Si M. Perron n'a pas répondu à nos appels, la directrice générale de Longue-Rive, Hélène Boulianne, a indiqué que le maire avait été surpris du résultat de l'enquête. Elle assure que celui-ci ignorait que le déplacement du tracé de la route mènerait à l'expropriation de sa propriété. Pourtant, la résolution adoptée par le conseil demande noir sur blanc au MTQ de «déplacer aussi le bâtiment au numéro civique 326, route 138».

Hélène Boulianne indique que le maire n'a pas l'intention de démissionner. Elle précise que les 14 500$ touchés ne couvraient même pas l'évaluation municipale de cette maison abandonnée.

Donald Perron pourrait néanmoins être forcé de quitter ses fonctions. La lettre du MAMROT envoyée au maire indique que ces omissions pourraient lui coûter son poste puisqu'il s'agit d'«un motif pouvant entraîner une déclaration d'inhabileté d'un élu à exercer la fonction de membre d'un conseil municipal. Toutefois, seul un tribunal peut constater un manquement à ces articles et y appliquer la sanction prévue». Le document précise qu'un «suivi» sera assuré, mais il n'a pas été possible d'établir si les tribunaux seront bel et bien appelés à se pencher sur la question.