Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'on projetait de construire une centrale hydroélectrique dans le Village historique de Val-Jalbert!

Que le gouvernement libéral ait levé le moratoire sur les petites centrales ne m'a pas étonné outre mesure. La commission Charbonneau fera la lumière sur les rapports étroits qu'entretiennent les membres du PLQ et les firmes de génie-conseils et les entrepreneurs en construction. Mais que les élus municipaux proposent de dévisager l'une des plus majestueuses chutes du Québec, située au coeur d'un site patrimonial répertorié, me laisse abasourdi.

Val-Jalbert est reconnu comme un site touristique et patrimonial d'exception: la réputation de la beauté de la chute Ouiatchouan dépasse même les frontières du Québec. Messieurs et mesdames les élu (e) s, croyez-vous que les touristes viendront se pâmer devant une «chute à piton» et un bâtiment industriel vrombissant à côté du Vieux-Moulin? Le site de Val-Jalbert risque bien de redevenir fantôme. Bien entendu, les quelques consultants et les bétonnières impliqués dans le projet feront une bonne affaire le temps que durera la construction. D'ailleurs, il est de notoriété publique que les projets d'infrastructures ont tendance à voir leurs coûts grimper à forte allure. Les projections financières dévoilées au public ont ainsi l'apanage d'une campagne promotionnelle plutôt qu'une information juste et réaliste. À cet égard, disons-le franchement, les chiffres du promoteur sont tout simplement fantaisistes.

Évaluations

En sous-évaluant les estimations de 2009, les estimations étant par ailleurs caduques compte-tenu des modifications majeures apportées au projet depuis, le promoteur gonfle artificiellement sa marge de profit. C'est sans compter que les chiffres diffusés au grand public n'étaient pas actualisés, ils ne représentaient donc pas la dépréciation de la valeur de la monnaie. Voilà un autre subterfuge pour gonfler artificiellement la rentabilité du projet.

De plus, le taux d'intérêt consenti par les banques pour les emprunts d'un acteur municipal est fixé pour une période de cinq ans. Dès la sixième année du remboursement des emprunts, les municipalités verront leur taux varier. Avec la volatilité des marchés financiers, il est de l'ordre spéculatif de prédire le taux directeur de la Banque centrale du Canada. D'ailleurs, est-ce bien malin de croire que le taux directeur actuel de 1%, un taux exceptionnellement bas, sera le même dans cinq ans? J'ai visité dans les années 1960 le site du village fantôme avec mon père. Il était laissé à l'abandon et en bien piètre état. Aujourd'hui, ce site patrimonial a été complètement revitalisé et mis en valeur. Pourquoi mettre en péril tous ces efforts? Pourquoi risquer de réduire la capacité d'attraction du site et du coup mettre en péril les emplois créés ces dernières années?

Nous n'avons pas besoin de construire de nouvelles infrastructures de production d'électricité.

Hydro-Québec perd actuellement 70 M$ par année avec les 58 petites centrales déjà en opération. En construire une autre à Val-Jalbert ajoutera 40 M$ de pertes sur 20 ans. Y a-t-il un capitaine dans le navire ou seulement des castors obsessifs-compulsifs?

Aubert Pallascio

Comédien et membre

de la Fondation Rivières