La Sûreté du Québec aurait cessé la filature d'Eddy Brandone, un ancien dirigeant de la FTQ-Construction et militant du Parti libéral du Québec (PLQ), après un entretien qu'il aurait eu avec Jean Charest, rapporte Radio-Canada.

Les deux hommes se seraient rencontrés à l'hôtel Courtyard Mariott de Dorval, le 6 mars 2009, alors que le premier ministre participait à une rencontre avec des leaders de la communauté inuite.

À la pause du midi, Eddy Brandone en aurait profité pour s'approcher du premier ministre. Les deux hommes auraient échangé quelques mots pendant deux minutes, selon une source de l'émission Enquête.

Dans l'après-midi suivant cette rencontre, la Sûreté du Québec aurait reçu un B/O (black-out dans le jargon policier), c'est-à-dire un ordre de mettre fin à la filature qu'elle menait contre Brandone. Des enquêteurs auraient trouvé «bizarre» et «inhabituel» qu'une opération soit ainsi interrompue. Un autre a dit: «De façon générale, il y a un principe non écrit de protection du gouvernement. Il ne faut pas laisser l'impression qu'une enquête criminelle s'approche du premier ministre.»

En 2010, un journaliste a confronté Eddy Brandone. Celui-ci a affirmé qu'il s'est présenté à l'hôtel de Dorval pour vendre des roulottes aux Inuits. «Jean était là, je savais que Jean était pour être là, j'étais informé. [...] Mais j'étais là bien plus pour faire du PR [relations publiques] avec les Indiens. [...] Je lui ai juste dit bonjour, [on a] jasé 30 secondes, on n'a pas jasé plus longtemps que ça», a-t-il dit.

Une source a toutefois contredit Brandone et a affirmé que l'homme n'était pas invité à la rencontre et qu'il s'était présenté dans le seul but de croiser le premier ministre. Mardi, Brandone a une fois de plus été confronté par un journaliste. Il a tout simplement nié avoir rencontré Charest à l'hôtel de Dorval.

Eddy Brandone a dirigé les finances de la FTQ-Construction. Il est un militant de longue date du PLQ. Cette année encore, il a fait un don de 400$ au parti. À Radio-Canada, Brandone a affirmé avoir rencontré une première fois Jean Charest lors de la course à la direction du Parti conservateur du Canada en 1993. Il militait alors aux côtés de Tony Tomassi, un ancien ministre libéral accusé de fraude. Il a aussi dit être un ami de Johnny Bertolo, un ancien membre de la mafia et trafiquant de drogue assassiné en 2005. Sans être un proche, il a dit connaître Raynald Desjardins, un mafieux accusé de meurtre.

Intervention du PM?

La Sûreté du Québec a assuré à la télévision publique qu'il n'y avait pas eu d'intervention politique dans le dossier. Elle a refusé de commenter affirmant que cet événement faisait partie de la preuve amassée contre Jocelyn Dupuis, l'ex-directeur général de la FTQ-Construction, qui est accusé de fraude.

Jean Charest a quant à lui réagi en faisant parvenir une lettre à Radio-Canada dans laquelle il affirme qu'il est possible qu'il ait rencontré Eddy Brandone. Il s'est également dit «estomaqué» et a nié être intervenu pour qu'une filature soit interrompue.

Pauline Marois a pris une pause d'un petit rassemblement avec des militants à Sainte-Anne-de-Beaupré pour réagir au reportage de Radio-Canada.

«C'est très inquiétant. Je crois que M. Charest doit absolument s'expliquer sur les liens qu'il a avec Eddy Brandone. Depuis combien de temps a-t-il ces liens? Est-ce que ce qu'on entend est juste? Il est le premier ministre du Québec. Il a, je crois, le devoir de nous expliquer quelle est la nature de ces liens, et de confirmer ou pas tout ce qu'on nous indique actuellement.»

«C'est sûr que ce n'est pas normal qu'on stoppe une filature, a-t-elle ajouté. C'est pour cela qu'on doit avoir des explications de M. Charest.»

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, ne réagira pas au reportage mercredi soir, a indiqué son entourage.

La FTQ-Construction et la FTQ ont affirmé que Brandone n'était plus en poste au moment des faits et ont refusé de commenter.

Eddy Brandone n'a pas retourné nos appels.

- Avec Paul Journet, Vincent Larouche, Martin Croteau