Gilbert Rozon a fondé le festival Juste pour rire en juillet 1983. Juste pour rire a transformé le paysage humoristique du Québec, de l'Amérique du Nord et même un peu de la planète. Gilbert Rozon nous parle des 30 ans de Juste pour rire.

Rappel historique, le premier festival en 1983 avait duré quatre jours pour quatre galas au Théâtre St-Denis avec 16 humoristes européens et québécois (au lieu de 656 artistes

pour le 30e festival !).

Q Quel constat faites-vous sur l'évolution de l'humour québécois depuis 30 ans ?

R L'humour s'exprime aujourd'hui sous toutes les formes : les festivals, l'École nationale de l'humour, des émissions de télévision, des films, de nouveaux médias, des spectacles, etc. Une véritable industrie de l'humour se déploie sous nos yeux, mais cela ne doit pas nous faire oublier que c'est une forme d'art en évolution constante.

Q Qui a véritablement marqué l'humour québécois depuis 30 ans ?

R Celui qui l'a marqué le plus est Yvon Deschamps, mais comment ne pas parler aussi de l'immense Dodo, du trésor national qu'est Denise (Filiatrault) et enfin de son éminence Jean Bissonnette ? Ils sont nos géniteurs.

Q Y a-t-il eu un renouvellement marqué et continu de l'humour durant les 30 dernières années ?

R Absolument. L'histoire, comme l'humour, s'accélère. Nous sommes condamnés à la création et, comme dans le sport, à battre nos propres records.

Q Quelle est la caractéristique de l'humour québécois par rapport à l'humour canadien, américain ou français ?

R D'intégrer toutes nos influences et de se mesurer en qualité à ces grandes cultures. Pourtant, la loi du nombre nous défavorise: 8 millions de Québécois d'un côté et 350 millions d'Américains de l'autre! Malgré cela, notre humour est à la fois impressionnant en quantité et en qualité. Notre grammaire est la plus riche que je connaisse.

Q Quel est votre meilleur souvenir d'un festival Juste pour rire ?

R Sa naissance, en 1983. Savoir qu'on vient d'inventer quelque chose, se pincer en se disant que c'est incroyable d'être le premier à y avoir pensé et que ça marche!

Q Riez-vous encore souvent ?

R Oui, je ris tous les jours même si je suis anxieux et, parfois, beaucoup trop sérieux comme pendant le conflit étudiant... Je ris le plus souvent possible, seule façon de vivre et même de survivre.

Q Qu'est-ce qui vous amuse le plus ?

R Tout ! Je suis oecuménique avec les comiques et ségrégationniste en amitié. J'aime ceux qui repoussent les limites du politiquement correct. On peut rire de tout, tout dépend comment. Si c'est fait avec un sourire complice. Je défends bec et ongles cet espace de liberté.

Q En 2032 (50e saison de Juste pour rire), où en sera l'humour et le festival ?

R Ah durer, c'est dur ! J 'espère qu'en 2032 , mon rêve d'agglomérer et de voir naître d'autres festival en même temps que Juste pour rire aura pris forme. Je voudrais qu'on dise, en 2032, non pas je vais à Juste pour rire / Just For Laughs, mais plutôt à Montréal , qui sera devenu en juillet la ville aux 100 festivals, donc incontournable !

Q Juste pour rire sera-t-il totalement bilingue en 2032?

R Je nous le souhaite. Le bilinguisme de Montréal est l'un de ses plus grands actifs. Mais plus encore, je voudrais qu'on soit métissé, pluriculturel , riche de tous ces affluents qui font de Montréal une grande métropole. Mon ambition est de faire le meilleur festival du monde. Contribuer à Montréal, sa culture, son image et son économie.

Q Vous souhaitez installer des antennes de Juste pour rire dans le monde entier ?

R Chut ! Mon équipe est déjà assez sous pression ! Ils font un travail époustouflant, mais très stressant. Je ne suis qu'un porte-parole. Il faut donc que j 'aille en assemblée générale (sur ce sujet).

Q Le rire peut-il changer le monde ?

R Sans l'ombre d'une hésitation. C'est déjà le cas. Grâce à l'humour, on devient du bon monde. Il nous permet d'affronter la vie parfois si dure en relativisant nos problèmes. C'est un formidable antidouleur. L'humour est aussi pédagogique, philosophique et subjectif. L'humour est de bonne ou de mauvaise qualité, selon l'émetteur. . . et le récepteur. L'humour est aussi critique. Il taquine pour dire des vérité s à doses digestes. L'humour est essentiel au bonheur.