Malinka* a 36 ans, le verbe haut et le regard franc.

Elle a passé plusieurs années dans la clandestinité.

Elle vient d'Afrique de l'Ouest et espérait trouver refuge au Canada, il y a sept ans. Mais quand elle a été refusée, Malinka n'a pu se résoudre à partir.

«J'ai eu un ordre de sortir, mais j'ai eu un enfant ici. J'aurais pu partir, mais j'ai pris le risque pour mon enfant. Je voulais lui donner une vie meilleure.»

«Je me suis dit: tu pars, mais tu vas faire quoi dans un pays instable? Tu vas te jeter dans la gueule du loup? Mon enfant est canadien. Il est chez lui ici, même si moi, cela ne me protège pas», dit-elle.

Malinka est restée après la date d'échéance de ses papiers. En un jour, elle est passée de la légalité à l'illégalité. Une plongée en apnée qui a duré plusieurs années.

«Je me disais toujours: comment je vais m'en sortir? Qu'est-ce que je vais devenir si on m'arrête? Quand quelqu'un sonne à la porte, on se demande qui vient. On vit au jour le jour. On n'a plus de vie. Notre vie, c'est d'être sur le qui-vive. Tout le temps. La seule chose qui nous vient en tête, toujours, c'est l'immigration. On est en prison, même au Canada. Tout ce qui nous entoure, c'est l'immigration.

«On va de galère en galère», dit-elle.

Elle est intarissable sur sa vie suspendue pendant sa clandestinité.

«Les gens disaient: trouve-toi un homme, marie-toi.»

Malinka éclate de rire, rejette la tête en arrière.

«Je suis vraiment restée tranquille», assure-t-elle.

La jeune femme accompagne ses paroles de gestes amples. Si ses propos se font graves, son ton reste toujours léger.

«Écoute, quand on est dans une situation précaire, on peut nous exploiter. On peut nous dire tout le temps: si tu ne fais pas ça, je vais te dénoncer à Immigration Canada. Moi, je ne veux pas d'emmerdes.

«On ne veut pas sortir, on ne veut pas coucher. Sinon, on devient un objet sexuel. Je ne suis pas bête, je voyais les hommes venir, je ne voulais pas me faire avoir. Déjà qu'on donne à notre enfant une éducation pas stable, on ne va pas en rajouter!»

Avec la crise, le travail au noir a commencé à se faire plus rare. L'argent aussi.

Sans accès à l'aide sociale, à l'assurance chômage, le quotidien est devenu de plus en plus suffocant.

«On promet des choses à notre enfant, mais on n'a même pas 2$ pour un McDo. Je n'en pouvais plus de voir mon fils triste. Un jour, j'ai dit: O.K., je vais me rendre à l'immigration, ils feront ce qu'ils veulent. Quitte à tout perdre, je vais aller à l'immigration.»

Un matin, en septembre dernier, elle a poussé les portes des bureaux d'Immigration Canada. Elle n'a pas été envoyée en détention, et elle attend des nouvelles d'une demande de résidence permanente.

Le résultat est incertain, mais Malinka, animée d'une détermination assez évidente, est soulagée d'avoir tourné la page.

«Si c'était à refaire, je ne le referais pas. Je serais allée mourir chez moi. Quand on tombe dans l'illégalité, on ne sait pas ce qui nous attend. On peut se retrouver à se droguer, à se prostituer, juste pour manger. Mentalement, si on n'est pas fort, on pète les plombs.»

*Le prénom a été modifié.