La loi interdit aux fraudeurs fiscaux de soumissionner à des contrats publics pour cinq ans. Pourtant, le groupe Accurso peut continuer à le faire malgré des aveux de fraude fiscale. Voici comment Tony Accurso y parvient.

Pour comprendre, il faut remonter au début de 2008. L'Agence du revenu du Canada lance une enquête sur un réseau de fausses factures qui touche les entreprises de Tony Accurso. Dans les semaines qui suivent, le groupe Accurso réorganise complètement ses affaires.

La première visite du fisc dans les bureaux de Simard-Beaudry Construction, à Saint-Eustache, a lieu le 18 février 2008. Le fisc vérifie des factures faites par un tiers. Le 2 avril, le dossier est confié au module d'enquêtes criminelles de Revenu Canada. Les premières perquisitions ont lieu le 6 mai.

Pendant ce temps, le 8 avril, une PME externe au groupe Accurso, Réseaux Simpler, se protège de la faillite. Le contrôleur sollicite des offres pour les restes de Simpler et finit par accepter celle de Simard-Beaudry Construction.

La transaction est approuvée par le tribunal en août 2008 et l'entreprise Louisbourg SBC est créée. Elle obtiendra sa licence de la Régie du bâtiment (RBQ) en octobre 2008.

Entre-temps, Revenu Canada poursuit son enquête. Au printemps 2009, le ministre du Revenu, Jean-Pierre Blackbun, évoque la possibilité de fraude fiscale et de corruption de fonctionnaires. Les accusations contre Simard-Beaudry Construction et Construction Louisbourg ne seront déposées qu'en décembre 2010. Ces entreprises se reconnaissent coupables d'une fraude fiscale de 4,1 millions.

La culpabilité amène la Régie du bâtiment du Québec à suspendre les licences des deux entreprises, en février 2012. Paradoxalement, la nouvelle entité créée par Accurso, Louisbourg SBC, n'est pas touchée. Elle peut conserver sa licence et faire des affaires avec le gouvernement même si elle a été créée par Simard-Beaudry Construction et qu'elle est gérée par Tony Accurso.

La structure de Louisbourg SBC contourne en effet la nouvelle loi de la RBQ destinée à combattre la fraude dans l'industrie de la construction.

En vertu de cette loi, les actionnaires directs de SBC et leurs dirigeants ne doivent pas avoir été pris en faute. Or, le commanditaire de Louisbourg SBC, Simpler, n'a jamais été déclaré coupable. Pas plus que le commandité de Louisbourg SBC (une entreprise détenue par Tony Accurso) ni Accurso lui-même.

Bref, malgré la fraude fiscale, la nouvelle loi est ainsi faite que Tony Accurso continue d'avoir le champ libre. Quant aux récentes accusations de fraude et de pots-de-vin à Mascouche, elles n'ont pas encore été prouvées en cour et n'ont aucune portée.