Au Rédacteur en Chef, La Presse

Cher Monsieur:

Mes remarques, prises hors contexte lors d'une entrevue accordée à la BBC écossaise, ont entraîné une réaction négative chez mes amis fédéralistes, francophones et anglophones, à travers le pays.  Comme je souhaite ardemment que le Québec demeure au sein du Canada et comme mes amis défendent cette idée avec courage et fierté, je suis triste de constater que mes propos puissent être utilisés contre l'unité nationale de notre pays, une cause qui nous tient tous à coeur.

L'entrevue, portant sur le référendum sur l'indépendance de l'Écosse, indique que le Canada sert de modele international pour la conciliation des conflits politiques, mais aussi mentionne clairement mes préoccupations sur l'avenir du Canada: nous devons lutter contre tout éloignement entre francophones et anglophones, au Québec et ailleurs, et ne devons pas laisser les illusions que nous avons les uns envers les autres nous diviser. Nous devons réaffirmer notre foi dans un pays qui a toujours trouvé en lui la force de reconnaître et de valoriser les identités nationales, linguistiques et culturelles de tous.

Je m'oppose à la séparation du Québec du Canada, comme je m'oppose la séparation de l'Écosse du Royaume-Uni. Nous devons affronter toute menace contre l'unité nationale avec sérénité et détermination. Nous devons faire appel à l'espoir plutôt qu'à la peur dans nos discussions avec nos concitoyens indépendantistes. Nous sommes plus forts ensemble que divisés, plus forts dans la reconnaissance de nos différences, plus forts dans la prospérité que nous avons créée ensemble depuis des siècles.

Si ces principes - principes que j'ai défendus toute ma vie-n'étaient pas évidents lors de mon entrevue avec le télédiffuseur écossais, je tiens à les réaffirmer aujourd'hui, et à dire à mes amis fédéralistes de partout au Canada que je ne trahirai jamais la cause que nous partageons.

Michael Ignatieff,

Massey College, University of Toronto