Irrégularités dans l'attribution de certains contrats, quasi-monopole dans l'arrondissement de Lachine, mais échecs ailleurs à Montréal, et un président considéré comme «une connaissance de longue date» du maire Claude Dauphin: ce sont les trois éléments qui ont amené le contrôleur général de la Ville de Montréal à «soulever un questionnement» sur la société de génie-conseil Génipur à Lachine, dans un rapport confidentiel déposé le 24 février.

Ce nouvel extrait de cinq pages que La Presse a obtenu, a été descendu en flammes par M. Dauphin, qui y voit une «vendetta». L'ex-président du conseil municipal réclame 250 000$ de la Ville pour atteinte à sa réputation et violation de sa vie privée dans le cadre d'une autre affaire.

Quasi-exclusivité

Selon le rapport, la société de génie-conseil Génipur, dont le président est Pierre Turmel, a remporté 12 des 14 appels d'offres auxquels elle a participé, pour des contrats totalisant 1,1 million, ce qui lui a assuré la «quasi-exclusivité» dans son domaine.

On rappelle que M. Turmel connaît M. Dauphin depuis longtemps, comme l'ont rapporté plusieurs médias - et comme le confirme sans hésiter le maire de Lachine. «C'est le maire de Saint-Pierre qui me l'avait présenté à l'époque où j'étais député à l'Assemblée nationale [dans les années 80], dit-il. La relation que j'entretiens avec lui est dictée par mon rôle de maire d'arrondissement, sans plus.»

Génipur, précise le rapport, «n'a remporté aucun des appels d'offres en six tentatives ailleurs à la Ville [dans trois arrondissements]». Elle a par contre obtenu cinq contrats de gré à gré, sans appel d'offres, attribués par l'arrondissement de LaSalle.

On relève que certains comités de sélection ne respectaient pas les critères habituels, notamment parce qu'il y avait des liens hiérarchiques entre des membres. «Nous pouvons penser que certains comités auraient pu être influencés par un membre en particulier», écrit l'auteur du rapport, sans plus de précisions.

Des contrats avant 2001

Il relève ensuite certaines «irrégularités» dans l'attribution des contrats. En avril 2003, on a donné un contrat de surveillance de 136 305$ à Génipur sans soumission publique. En septembre 2003, lors d'un appel d'offres impliquant Génipur et Le Groupe Séguin Experts-Conseils, ce dernier a étonnamment majoré sa soumission après la date limite. «Sans cet ajout, Séguin aurait remporté l'appel d'offres», analyse le rapport.

En novembre 2006, le conseil d'arrondissement a donné deux contrats totalisant 29 043$ dans le cadre du même projet d'infrastructures. Au-delà de 25 000$, rappelle le contrôleur général, on doit recourir à un appel d'offres sur invitation.

«Rien n'indique que Lachine est désavantagée par la qualité des services rendus», précise toutefois le rapport. Les liens personnels entre MM. Turmel et Dauphin, combinés à la part «significative» des contrats obtenus par Génipur à Lachine, «peuvent soulever un questionnement sur les valeurs prônées par la Ville, qui veut favoriser la libre concurrence».

Ces reproches sont rejetés en bloc par M. Dauphin, qui précise qu'aucun élu ne siège aux comités de sélection.

«Nous ne participons pas au processus. Tous les dépassements de coûts ont été justifiés par les responsables des services. Le conseil d'arrondissement approuvait ensuite le paiement par résolution.»

M. Turmel, rappelle le maire de Lachine, «avait des contrats à Saint-Pierre et Lachine avant [son] arrivée en politique municipale». Si la société Génipur est effectivement absente des autres arrondissements montréalais, «elle a des contrats dans beaucoup de villes de la région métropolitaine», ce que confirme son site internet.