La Banque Nationale continue d'appuyer les entreprises de Tony Accurso, malgré la tourmente qui secoue l'organisation depuis plus de trois ans.

L'institution financière a prêté plusieurs dizaines de millions de dollars aux entreprises de l'homme d'affaires au cours des dernières années. La dernière transaction est toute récente puisqu'elle a été notariée en juillet 2011, bien après le début de la tempête.

La banque garde les sommes prêtées confidentielles, mais les hypothèques qu'elle a prises sur les propriétés du groupe Accurso donnent un aperçu de ses engagements financiers. Ces hypothèques s'élèvent à plus de 100 millions de dollars, selon les recherches de La Presse dans les registres officiels.

Ces engagements de l'institution envers un groupe controversé soulèvent des questions. La Banque est restée fidèle au groupe Accurso même s'il fait les manchettes depuis trois ans. Déjà, au printemps 2009, le ministre fédéral du Revenu, Jean-Pierre Blackburn, avait évoqué la possibilité de fraude fiscale et de liens avec la corruption de fonctionnaires du fisc.

En décembre 2010, les entreprises de l'homme d'affaires, Simard-Beaudry et Construction Louisbourg, se sont reconnues coupables d'avoir fraudé le fisc de 4,1 millions de dollars.

Depuis janvier dernier, les licences des deux entreprises sont suspendues jusqu'en juin prochain en vertu de la loi visant à combattre les pratiques frauduleuses dans l'industrie de la construction. Et mercredi, Tony Accurso a été accusé d'avoir fraudé la Ville de Mascouche et versé des pots-de-vin en vertu du Code criminel.

Jacques Fortin, professeur de comptabilité à HEC Montréal, s'interroge. Il ne peut se prononcer précisément sur le dossier Accurso, mais il fait état d'une tendance dans les milieux financiers sur la finance responsable.

«Les institutions financières doivent de plus en plus se soucier de la probité de leurs clients. Il y a d'ailleurs un courant qui s'installe à ce sujet», fait valoir le comptable.

L'un des mouvements en question, dont il fait partie, s'appelle l'Initiative pour la finance durable (IFD). Ce groupe est formé d'experts de la finance désireux d'inciter la communauté à mesurer la valeur des investissements socialement et environnementalement responsables. L'IFD est notamment appuyé par la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Mouvement Desjardins.

À la Banque Nationale, le porte-parole, Claude Breton, n'a pas voulu commenter le dossier Accurso. Il indique seulement que la somme des prêts déboursés est «très loin des sûretés inscrites sur les propriétés du groupe Accurso».

L'autre principal financier du groupe Accurso est la firme GE Capital. Les hypothèques inscrites par GE Capital sur les propriétés de la famille Accurso s'élèvent à plus de 50 millions de dollars. Le porte-parole de l'institution, Éric Provost, n'a pas voulu faire de commentaires.

Avances sur hypothèques

La semaine dernière, GE Capital s'est retrouvée sur la sellette après qu'un jugement eut donné des détails troublants sur les pratiques d'un des cadres de l'organisation au cours des dernières années. Le jugement a fait état de l'utilisation de prête-noms, de clients proches du crime organisé et de risques de blanchiment d'argent. Le cadre a été congédié par GE Capital et le jugement a entériné le congédiement.

À la Banque Nationale, les avances de fonds au groupe Accurso ont été versées en contrepartie d'hypothèques sur l'ensemble des biens de Louisbourg SBC, de Simard Beaudry et d'autres entreprises, selon les registres officiels.

Tout est hypothéqué: les biens de l'organisation au Québec, en Ontario et en Alberta, les carrières à Laval et à Lachute, les immeubles abritant les employés à Saint-Eustache, à Laval et à Montréal. Même la police d'assurance vie d'Antonio Accurso a été prise en garantie par la banque. La principale hypothèque de l'institution financière s'élève à 144 millions de dollars.

En février 2010, la Banque Nationale et GE Capital ont conclu une entente concernant le groupe Accurso. Ils se sont entendus sur la façon de se partager les biens de l'organisation dans le cas où elle aurait des difficultés financières.

Rappelons que le Mouvement Desjardins et la Caisse de dépôt ont rompu leurs liens avec Tony Accurso l'an dernier. Les deux institutions avaient prêté plusieurs millions de dollars à l'entrepreneur et à ses entreprises, il y a quelques années, pour lesquels le centre commercial Galeries Laval avait été pris en garantie. Les sommes ont été remboursées au printemps 2010 lorsque le Fonds FTQ a racheté le centre à Tony Accurso pour une somme jugée très généreuse.