Marc Hindry est professeur de mathématiques. Mais dans ses exercices avec ses étudiants, il parle parfois d'amiante et de mésothéliome, le terrible cancer qui a tué certains de ses collègues du campus Jussieu de l'Université de Paris-VI. M. Hindry est l'un des fondateurs de l'ANDEVA, l'Association nationale de défense des victimes d'amiante en France. Son but: promouvoir l'entraide et la solidarité entre les victimes de l'amiante, les regrouper pour défendre leurs intérêts. La Presse l'a interviewé récemment lors de son passage au Canada.

Q: Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l'amiante?

R: Je travaillais dans un bâtiment entièrement floqué à l'amiante. En 1994, il y a eu des cas reconnus en maladie professionnelle, dont des mésothéliomes. Depuis, on a découvert beaucoup d'autres cas. Il y a deux physiciens qui travaillaient dans les laboratoires qui sont décédés du mésothéliome, ça a créé un choc. À Jussieu, il y a avait des mesures d'amiante dans l'air qui ne donnaient pas grand-chose. On essayait de nous rassurer. Mais on a demandé de faire des mesures quand il y avait des travaux, et ça montait à 18 000 fibres par litre alors que la norme est de 10 fibres par litre. Chaque fois qu'un ouvrier touche à l'amiante, il y a un relâchement.

Q: Comment a évolué le dossier de l'amiante en France depuis votre implication?

R: On a interdit l'amiante en France en 1997, mais on en a encore 3 millions de tonnes dans les bâtiments. Encore au début des années 90, on importait 35 000 tonnes d'amiante par année, surtout pour les cimenteries Saint-Gobain et Eternit. L'interdiction de l'amiante a été retardée pendant 15 ans par le discours rassurant provenant entre autres du Comité permanent amiante, créé en France en 1982, et de l'Institut du chrysotile, créé au Québec en 1984.

Q: Comment sont traitées les victimes de l'amiante en France?

R: Du point de vue des tribunaux civils, le système est excellent: toutes les victimes sont indemnisées. Du point de vue de la justice pénale, l'ANDEVA a porté plainte en 1996 contre les industriels, les médecins et les autorités. C'est une enquête compliquée et la justice a fonctionné très lentement. On a eu quatre juges différents. La juge actuelle, ça l'intéresse beaucoup. Elle a ordonné des mises en examen.