Martin Petit n'est pas seulement un humoriste en feu qui a reçu l'Olivier du meilleur spectacle de l'année. C'est un fervent blogueur et «twitteux» qui suit l'actualité et la commente avec dérision, avec minutie et avec un oeil de lynx. La Presse l'a invité à répondre à quelques questions sur l'année qui s'achève: Martin Petit a complètement largué le programme proposé par Patrick Lagacé et a accouché d'un «gala» de son cru, en décernant des prix à ceux qui ont marqué l'actualité 2011 par leur prise de parole audacieuse. Voici ses lauréats.

Catégorie municipale > La mairesse de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, qui a fait une sortie pour dénoncer la collusion dans la construction et le monde municipal. En construction et en politique, les femmes sont rares, et de voir une femme lancer un cri du coeur pour dénoncer ce qui a l'odeur de la collusion, c'est pas juste beau, c'est sexy.

Catégorie juvénile > La petite avec sa pancarte «Stop Harper» le jour de son assermentation. J'étais déjà jaloux du talent précoce de Xavier Dolan et de Coeur de pirate, mais là... La petite qui ose en plein Parlement dénoncer le monarque, futur ennemi de Kyoto, c'était réjouissant! Elle devrait porter la flamme aux prochains Jeux olympiques de la mobilisation citoyenne.

Catégorie école > Jasmin Roy a écrit un livre-témoignage qui a non seulement sauvé des vies, mais aussi mobilisé et sensibilisé des milliers de parents et d'élèves sur les dangers de l'intimidation dans les écoles. Trop de Marjorie Raymond meurent chaque année, et combien d'autres décrochent, parce que l'école devient un endroit où on apprend le mépris? Jasmin Roy est l'homme de la situation.

Catégorie révolte > Depuis quand il n'y a pas de conflit d'intérêts dans un journal... Patrick, quand tu as joué du muscle avec le ministre Sam Hamad après l'effondrement du tristement célèbre paralume, tu es devenu mon idole. Ton irritation virile devant le discours mielleux d'après sinistre du futur-tassé-de-ses-fonctions m'a secoué. Je me suis mis moi-même à nourrir mon Patrick Lagacé intérieur, manger plus de viandes rouges, porter des lunettes fumées quand je suis de mauvaise humeur, avec comme résultat que mes enfants ont compris que quand papa dit dodo, c'est dodo.

Catégorie opposition officielle > Quand il s'agit de parler de la vraie opposition officielle, je crois que le PQ doit laisser sa place à Alain Gravel et son équipe d'enquête. Les organisateurs d'élection et Tony Accurso ont d'ailleurs développé une réaction pavlovienne de stress et d'urticaire spontanée tous les jeudis, à 20 h, à la télé de Radio-Canada. Grâce à Alain Gravel, on sait maintenant que Revenu Canada rend des comptes à la GRC, et que les gros de ce monde aiment perdre du poids dans des cures en Allemagne, un pas plus dans la connaissance de l'homme et son pot du vin.

Catégorie femme dans les médias > Parce qu'elle est engagée dans un combat profondément important, il faut donner un Micro de feu à Marie-France Bazzo. Les chiffres sur l'analphabétisme sont sidérants. 49% des Québécois ont de la difficulté à lire un texte. Certains sont sénateurs et portent des bagues de la Coupe Stanley, mais tous n'ont pas cette chance. Comment un peuple qui ne lit pas peut-il aspirer à la liberté?

Grand Gagnant du micro de feu 2011 > C'était en 2010, mais dans une histoire qui s'est dénouée en 2011. Un homme se lève, en plein congrès du Parti libéral, cet homme courageux ose demander la possibilité de débattre de la création d'une commission d'enquête sur la construction, puis le silence. Personne pour le seconder. L'homme se tient debout devant la plus grande assemblée de peureux que le Québec a connu. Un an plus tard, devant la menace réelle d'une défaite électorale, cette même assemblée a sommé Jean Charest de répondre à la demande du peuple. Rétroactivement, c'est un devoir de mémoire de sacrer (le gars) grand porteur du Micro de feu 2011!

Grand gagnant du micro de fou 2011 > Le micro de fou, contraire du micro de feu, c'est l'art de prendre le micro et d'avoir l'air fou. Comment alors ne pas penser au ministre Jean-Marc Fournier défendant l'indéfendable commission d'enquête sous tutelle que Jean Charest a tenté de nous vendre. Et de fait, 24 heures avant que son boss se girouettise et offre la version «pas de niaisage», Jean-Marc Fournier défendait avec aplomb une position absurde, ridicule, comme si c'était un remède contre le cancer. Ce genre de farce explique-t-il le faible taux de participation aux élections? J'ose croire que oui.

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L'ANNÉE SELON... SUGAR SAMMY, FRANCIS DUCHARME, SÉBASTIEN PILOTE ET JULIE SNYDER

Ils ont brillé cette année dans leur domaine respectif. Sugar Sammy, Francis Ducharme, Sébastien Pilote et Julie Snyder ont accepté de livrer leur bilan de 2011 et leurs résolutions pour 2012.



HUMOUR, Sugar Sammy

J'ai aimé... la révolution égyptienne. Je n'ai pas aimé les violentes conséquences qu'elle a eues, mais l'audace du peuple égyptien, qui a pris une chance et s'est battu pour la démocratie. Historiquement, ça devrait être un changement pour le mieux.

J'ai détesté... le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé le Japon.

J'ai été inspiré par... le peuple haïtien. Je suis allé en Haïti quelques jours pour y donner un spectacle et c'est incroyable de voir leur esprit d'entraide et leur optimisme. Malgré tout ce qu'ils ont subi, ce sont des gens très accueillants et généreux envers les étrangers.

À la place de Gérald Tremblay... j'aurais agi plus vite sur les routes. Ça aurait été ma priorité. La dernière chose que tu veux éviter, c'est de mourir au volant alors que tu vas travailler ou que tu rentres chez toi.

En 2012, je me promets de... passer plus de temps à Montréal, la ville que j'aime le plus. Et de lâcher l'avion un peu!



Photo: Bernard Brault, La Presse

Sugar Sammy

DANSE, Francis Ducharme

J'ai aimé... Nuit # 1 et Anne-Marie Cadieux folle raide dans HA! Ha! ... au TNM.

J'ai détesté... pas mal d'affaires qui ne s'écrivent pas dans un journal.

J'ai été inspiré par... Brigitte Haentjens.

À la place de Gérald Tremblay... j'aurais laissé les indignés s'indigner plus longtemps.

En 2012, je me promets... d'être un bon garçon (me semble), de prendre soin des gens que j'aime (surtout) et de m'écarter des chemins sombres.



Photo: Martin Chamberland, archives La Presse

Francis Ducharme

THÉATRE, Benoit McGinnis

J'ai aimé... En terrains connus, Pilou, MonsieurLazhar, Chloé Lacasse, mes amis, Catherine Major, ma famille, Hamlet, mon travail, les nouvelles rencontres importantes... avoir été aimé et aimer en retour.

J'ai détesté... Il est souvent plus facile de parler de ce qu'on a moins aimé, mais j'aime penser qu'inévitablement, les choses que j'ai détestées ou qui ont été des obstacles m'ont fait grandir. Pourquoi je n'ai pas aimé une situation, un show ou une personne? Je crois que répondre à ça nous renvoie à nous, à nos peurs, à nos valeurs et permet de nous faire avancer. J'aime la remise en question qui vient avec le fait de détester, voilà!

J'ai été inspiré par... les gens qui m'entourent, les performeurs, mes parents, les gens de la scène, les danseurs, les voix chantées, la nature, mes collègues de travail, mes neveux et nièces, les films, les créateurs de toutes sortes. Mes amis: leurs valeurs et leur vie m'inspirent.

À la place de Gérald Tremblay... Je n'aurais pas aimé ça! Il est tout de même en train de nous faire un beau Quartier des spectacles...

En 2012, je me promets... D'entretenir mes relations en prenant soin de ceux que j'aime. Aller au gym au moins une ou deux fois dans l'année. De voyager et de travailler beaucoup. De gagner à la loterie même si je ne joue pas (faut croire aux miracles!), de m'entourer de personnes fantastiques et inspirantes. D'aimer.



Photo: Alain Roberge, La Presse

Benoit McGinnis

CINÉMA, Sébastien Pilote

J'ai aimé... découvrir des passionnés de cinéma partout sur la planète. Voir des salles gigantesques remplies parfois en plein après-midi par un public attentionné et curieux. La cinéphilie existe encore et c'est beau à voir.

J'ai détesté... Le 3D. Parce que le 3D c'est plusieurs couches superposées d'images 2D plus ou moins floues. Mais floues la plupart du temps. J'ai compris qu'il n'y aurait jamais plus de profondeur dans une image projetée sur un écran qu'il n'y a de distance entre nos deux yeux. Il s'agit de foncer dans l'écran pour s'en convaincre. Le cinéma, c'est l'art de la longueur et du temps, parce qu'il y est question de mouvement, sinon tout s'arrête. Chercher la profondeur et le relief, c'est chercher dans la mauvaise direction.

J'ai été inspiré par... Mes enfants. C'est un cliché de dire ça, mais c'est vrai.

À la place de Gérald Tremblay... J'habite au Saguenay, mon maire à moi c'est Jean Tremblay. Je ne suis pas à sa place et il le sait.

En 2012 je me promets...de m'indigner contre la médiocrité envahissante en lisant des livres, en regardant des films, en écoutant des musiques qui ont ce pouvoir de nous faire grandir. Ce sera une manière comme une autre de répondre à cet appel lancé par Stéphane Hessel. Indignez-vous!



Photo: Érick Labbé, Le Soleil

Sébastien Pilote

TÉLÉVISION, Julie Snyder

J'ai aimé... que de plus en plus de gens deviennent végétaliens. Ça fait 21 ans que je le suis par éthique envers les animaux et je pense que les gens se rendent compte aussi que c'est très écologique de l'être. Ça prend 16 livres de céréales pour faire une livre de viande. On consomme donc beaucoup moins pour nourrir un végétalien qu'un carnivore.

J'ai détesté... que la loi 101 soit bafouée et non respectée.

J'ai été inspirée... par le discours de Fred Pellerin lors de l'hommage à Gilles Vigneault au gala de l'ADISQ.

À la place de Gérald Tremblay... Je ne voudrais pas être à la place de Gérald Tremblay, je préférerais être dans celle de Régis Labeaume (rires).

En 2012, je me promets... de faire plus attention à ma santé et de travailler moins.

Photo: François Roy, La Presse

Julie Snyder