Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions en lien avec la couverture dont elle a été l'objet. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'entretient avec Denis Lebel, ministre fédéral des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, député de Roberval-Lac-Saint-Jean.

1 La première impression compte toujours beaucoup. Or, vous avez tenu votre conférence de presse sans un représentant du gouvernement du Québec, ce que tout le monde a relevé. Comprenez-vous que certains aient pu en être froissés?

Absolument pas. Le pont Champlain est un ouvrage 100% fédéral. Le Québec fait énormément d'annonces où le fédéral a investi et nous n'y sommes pas invités. Le pont de l'estacade, qui est 100% fédéral, a été rouvert et c'est le ministre provincial qui l'a annoncé sans même m'en parler. Depuis trois mois, le Québec disait au fédéral: prenez vos responsabilités dans le dossier du pont Champlain. Nous avons avancé dans le processus et il était donc normal que nous en fassions la présentation. Cela dit, des rencontres sont prévues avec le gouvernement du Québec et j'ai déjà parlé au ministre Pierre Moreau, avec le ministre des Affaires intergouvernementales ainsi qu'avec le ministre Yvon Vallières.

2 Pour un projet de cette envergure, on se serait attendu à une conférence de presse à grand déploiement avec une maquette, etc. Or, votre présentation était sobre et, surtout, très brève. Pourquoi?

C'était la première présentation d'un long processus. Il y a des choix qui ne sont pas encore arrêtés. On sait que ce sera un pont et non un tunnel, mais est-ce que ce sera un pont à haubans ou avec une technique mixte, on n'est pas rendus là. Les études de préfaisabilité parlent d'un pont de huit voies, quatre dans chaque direction, avec des voies pour les transports en commun. On pense bien que ce sera un train léger, mais les transports en commun étant de compétence provinciale et municipale, on va faire le choix avec ces gouvernements. Vous voyez, on est respectueux dans ça, même si Québec n'était pas à l'annonce. Je suis un gars qui travaille très bien avec la province de Québec et s'il n'y avait pas de maquette mercredi, c'était pour dire aux gens que tout n'est pas choisi.

3 Vous annoncez un projet d'infrastructures évalué à 5 milliards de dollars à un moment où la province est déchirée par des histoires de collusion et de corruption. Les gens sont méfiants. Qu'allez-vous faire pour vous assurer que la construction de ce pont se fasse dans les règles de l'art?

Le fédéral fait partie d'une organisation mondiale qui est sous le chapeau de l'OCDE et qui a des principes d'appels d'offres. Transports Canada va être le maître d'oeuvre du processus et on va respecter tous les principes internationaux, comme on le fait habituellement. On espère que ce sera moins de 5 milliards de dollars et que ce sera plus rapide que 10 ans. Les chiffres et les délais qu'on a annoncés hier viennent des rapports commandés à la Société des ponts fédéraux. Je trouve que 10 ans, ça n'a pas de sens, mais c'est ce qu'on nous donne comme délai pour l'instant.

4 La question de la sécurité sur le pont Champlain inquiète beaucoup les gens de la région de Montréal.Certains refusent même d'emprunter le pont. Que comptez-vous faire pour les rassurer?

Ce n'est pas la première fois qu'il y a des campagnes de peur autour de ce pont... Cela dit, nous avons investi 380 millions de dollars dans les trois dernières années. La Société des ponts nous assure de sa sécurité et nous avons des lettres qui le confirment. Il y a des capteurs sous le pont, on surveille en temps réel et on investit pour s'assurer que le pont demeure sécuritaire.

5 Comment va s'appeler le nouveau pont?

Honnêtement, il n'y a pas eu de discussions dans ce sens-là. Pour certains, le nom Champlain évoque ce dont on parlait tout à l'heure (l'insécurité). Je ne dis pas non pour Champlain, mais hier (mercredi), on m'en a énuméré plein d'autres, de Maurice-Richard à Duplessis. On verra.

6 Durant la dernière campagne électorale, le Parti conservateur était le seul à ne pas s'engager à construire un nouveau pont Champlain. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'idée?

On n'a tout simplement pas voulu en faire un enjeu électoral. Mais dès mon arrivée au Ministère, la première chose que j'ai faite a été de demander aux fonctionnaires de faire avancer les choses. Ils ont été tout de suite derrière moi et je veux le souligner. Nous sommes un gouvernement qui a la réputation de faire ce qu'on dit et, en plus, même si on ne l'a pas dit, on le fait quand même.

7 La semaine dernière, M. Duchesneau a dit que le milieu municipal est particulièrement fragile aux tentatives de collusion, alors que la mairesse de Rivière-des-Prairies a avoué son impuissance. Vous avez été maire de Roberval de 2000 à 2007, est-ce que ces propos reflètent ce que vous avez observé lorsque vous étiez en poste?

Dès ma première année comme maire, j'ai été très impliqué dans le monde municipal: j'ai été membre du comité exécutif de l'Union des municipalités et membre du conseil d'administration d'Infrastructures Québec. Honnêtement - je ne dis pas qu'il n'y en a pas ailleurs -, je n'ai subi aucune pression de quelque nature que ce soit. Peut-être parce qu'en région, on gère surtout la décroissance et que, contrairement aux grands centres urbains, il y a peu de capacité de développement et, donc, peu de grands projets de construction.

8 Pensez-vous que l'annonce d'un nouveau pont peut contribuer à améliorer l'image de votre parti au Québec?

Je le souhaite. En tout cas, ça démontre que le Québec est important aux yeux du premier ministre Harper. J'aurais aimé qu'on soit plus de cinq députés car le Québec est grand à couvrir, mais l'essentiel, c'est qu'on vient de démontrer qu'on va continuer à bien travailler pour le Québec.

9 On dit souvent que votre gouvernement n'entretient pas une bonne relation avec les journalistes et les médias en général. Pourquoi?

Je ne sais pas ce qui se passe avec les autres ministres, mais à mon cabinet, dans mon ministère, la commande est claire, nous sommes ouverts et accessibles, dans la mesure où on est capables de l'être. Cela dit, l'été dernier, je me suis volontairement retiré de l'espace médiatique car je travaillais fort sur le dossier du nouveau pont. Je ne souhaitais pas être dans les médias pour dire que je n'avais rien à dire, alors j'ai stratégiquement choisi de me retirer pour faire mon travail.

10 Une «parole de Bleuet»... est-ce que ça vaut plus qu'une parole de politicien?

(rires) Les deux sont très bonnes. C'était une boutade pour les amis journalistes et animateurs qui pensent que parce que je viens d'une région, je n'ai pas de sensibilité à ce qui se passe à Montréal. Je viens à Montréal trois ou quatre fois par mois, je suis parfaitement conscient de ce qui s'y passe. Je suis entré à mon poste en mai et en octobre, on annonce un nouveau pont pour le Saint-Laurent. Je pense que la parole de Bleuet a été donnée. Maintenant, je vais la respecter.

TWITTER + 1 de Sébastien Magnan @sebastienmagnan

Q: J'aimerais savoir si on va penser au côté esthétique et architectural de ce pont qui pourrait devenir une marque visuelle pour la ville, un peu comme le Stade ou la montagne.

C'est clair qu'on va réfléchir à tout ça, en ayant comme trame de fond un équilibre budgétaire à Ottawa et le fait qu'on travaillera en partenariat public-privé, avec un péage. Il s'agit de trouver l'équilibre entre ce qui est le meilleur pour la grande métropole qu'est Montréal et notre capacité de payer.