L'eau virtuelle, utilisée dans la production agricole, domine le commerce international de l'or bleu, selon une nouvelle étude américaine. Cela relativise l'importance des débats sur l'exportation d'eau canadienne vers nos voisins du Sud.

L'eau virtuelle est celle qui est nécessaire à la fabrication de biens de consommation. Par exemple, la tomate vendue par un fermier a nécessité de l'irrigation. Le bétail a besoin d'eau et mange du fourrage qui a lui aussi été irrigué. La transformation des aliments nécessite également de l'eau.

«On parle beaucoup d'exportation de l'eau», explique Ignacio Rodriguez-Iturbe, ingénieur civil à l'Université Princeton, qui publie ses résultats dans la revue Water Resources Research. «C'est un débat qui suscite beaucoup d'émotion. Mais l'eau virtuelle est beaucoup plus importante. Et elle est essentiellement utilisée par l'agriculture, un domaine où l'exportation ne suscite pas autant de controverses, sinon pas du tout.»

Néanmoins, les produits industriels nécessitent aussi de l'eau virtuelle, mais M. Rodriguez-Iturbe n'en a pas tenu compte dans son étude, parce que l'agriculture nécessite beaucoup plus d'eau. L'agriculture utilise 80% de l'eau, mais ne représente que 4% du PNB mondial, alors que l'industrie utilise 15% de l'eau et constitue 32% du PNB mondial.

Le Canada est au sixième rang mondial des exportateurs d'eau virtuelle, avec 33 milliards de litres par an en 2000. Un peu moins de la moitié va vers les États-Unis, ce qui en fait le troisième couloir en importance au monde - le premier est celui qui va des États-Unis au Japon, avec près de 30 milliards de litres par an. Les États-Unis exportent aussi de l'eau vers le Canada, mais en moins grande quantité, pour un bilan net de quatre milliards de m3 par an allant du nord au sud. En comparaison, la quantité d'eau nécessaire à l'exploitation des sables bitumineux était 28 fois moins importante en 2008.

Le palmarès mondial a changé depuis 2000. «La Chine a beaucoup changé son alimentation, dit M. Rodriguez-Iturbe. La consommation de viande, qui nécessite beaucoup d'eau virtuelle, augmente en flèche. Depuis une demi-douzaine d'années, la Chine a cessé de restreindre les importations de soja pour répondre à la demande et l'Argentine et le Brésil ont réagi. L'Argentine est pratiquement devenue une monoculture de soja.»

Les petits pays sont souvent au sommet du palmarès de l'importation d'eau virtuelle agricole par habitant. En 2000, les Émirats arabes unis, Aruba dans les Antilles et les Pays-Bas en importaient près de 2000 m3 par an par habitant.

Les principaux exportateurs d'eau virtuelle (en milliards de m3 par an, 2000)

États-Unis 165

Argentine 91

Brésil 70

Australie 39

Inde 35

Canada 33

Thaïlande 20

France 18

Chine 13

Les principaux importateurs d'eau virtuelle (en milliards de m3 par an, 2000)

Japon 52

Chine 31

Pays-Bas 29

Corée du Sud 24

Mexique 22

Iran 22

Italie 20

Égypte 19

Indonésie 19

SOURCE: Université Princeton