La semaine dernière, le Fonds FTQ a acheté les Galeries Laval des mains d'une entreprise d'Antonio Accurso. Le prix payé, 85 millions, soulève des questions parce qu'il correspond au double de l'évaluation municipale et est plus élevé que celui de centres comparables. Voici ce que La Presse a constaté.

Les Galeries Laval, achetées à prix fort par le Fonds FTQ, sont un centre commercial vieillissant, dont une grande partie a besoin de rénovations importantes.

La Presse a visité les lieux la semaine dernière. Première constatation: le centre compte trois immenses locaux vides. D'une superficie équivalente à celle de deux terrains de football, ces locaux occupent près de la moitié du bâtiment principal, ce qui exclut le Réno-Dépôt, situé dans un autre immeuble.

En plus des magasins à accès extérieur direct, comme Zellers et Magi-Prix, il y a une modeste galerie marchande intérieure où se trouvait notamment le resto-bar Tops avant sa fermeture. Cette galerie de commerçants peu connus montre des signes évidents de vieillissement: la peinture est défraîchie, le revêtement de gypse est à refaire par endroits et certaines tuiles au sol sont brisées. Quant aux toilettes, à l'arrière, elles n'ont pas été rénovées depuis plusieurs années.

Inondations

En discutant avec les locataires, La Presse a appris que cette galerie a été inondée deux fois l'été dernier, lors de pluies abondantes, parce que les égouts de la ville n'arrivaient pas à suffire. Dans l'allée centrale, sur plusieurs dizaines de mètres, il y a eu jusqu'à 7 cm d'eau, nous ont dit des locataires.

Les magasins Archambault Musique et Chaussures Rubino ont été totalement inondés. Une firme de nettoyage est venue pomper l'eau et assécher les lieux en quelques heures, mais la majeure partie des revêtements des murs et du sol n'a pas été remplacée.

Au magasin Rubino, l'eau continue de causer des problèmes. À la mi-mai, les employés ont été aux prises avec une importante infiltration d'eau par le toit. «Ça coulait comme une douche», nous a dit une vendeuse. Lors de notre passage, le tapis portait encore la trace circulaire laissée par l'eau sur un diamètre d'environ deux mètres.

Vendu sans garantie

À l'extérieur, quelques nids-de-poule parsèment l'immense stationnement, et le marquage sur la chaussée pour guider les automobilistes aurait besoin d'un sérieux coup de pinceau. En face des Galeries Laval, de l'autre côté du boulevard Le Corbusier, se trouve le Centre Laval. Là, c'est tout le contraire: les nids-de-poule ont été colmatés, et le marquage de l'asphalte est fraîchement refait.

Malgré ces problèmes, le Fonds FTQ ne pourra vraisemblablement pas poursuivre le vendeur pour vices cachés, le cas échéant. Selon l'acte notarié, le centre a été vendu tel quel, «aux risques et périls de l'acheteur et sans représentation ou garantie».

Antonio Accurso n'avait pas rappelé au moment de mettre sous presse.

Le problème Target

Par ailleurs, on ne sait toujours pas si le Zellers des Galeries Laval sera remplacé par un magasin de la chaîne américaine Target. La semaine dernière, Target a donné la liste des 105 centres commerciaux où elle reprendra les baux de Zellers, mais les Galeries Laval n'en font pas partie.

Target précisera à l'automne la deuxième série de baux de Zellers qu'elle compte reprendre (environ 115). Au terme de l'opération, une soixantaine de magasins Zellers au Canada seront laissés en plan. Les premiers Target ouvriront en 2013.

Ce concurrent de Wal-Mart risque de faire augmenter l'affluence d'un centre comme les Galeries Laval s'il s'y établit. La chaîne est toutefois vertement critiquée par les syndicats, dont l'un est affilié à la FTQ, parce qu'elle mettra à pied les employés de Zellers avant d'en réembaucher certains, ce qui compromet les droits acquis des employés qui ont le plus d'ancienneté.

Antonio Filato, président de la section locale 500 des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), affiliés à la FTQ, est furieux. Il estime que Target contourne les normes du travail du Québec en rachetant les baux de Zellers plutôt que l'entreprise au complet. «Et pour les cinq magasins syndiqués, la décision de Target est déjà prise, selon moi: la chaîne ne reprendra pas les baux», dit-il.

Malgré tout, M. Filato ne s'offusque pas du fait qu'un magasin Target puisse servir à relancer les Galeries Laval, propriété du Fonds FTQ: «Le Fonds gère l'argent de ses actionnaires. Comme propriétaire immobilier, il n'a pas à s'immiscer dans la transaction Target-Zellers.»

Rappelons que le directeur québécois des TUAC, Louis Bolduc, fait partie du conseil d'administration du Fonds FTQ, lequel a approuvé l'acquisition des Galeries Laval. Les employés du magasin Zellers des Galeries Laval ne sont pas syndiqués.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Antonio «Tony» Accurso.