Il n'y a pas que les maires ou les policiers qui sont dans la ligne de mire de l'escouade Marteau. La Presse a appris qu'une administratrice de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), l'organisme qui régit l'industrie, fait aussi l'objet d'une enquête de Marteau.

La personne en question s'appelle Pascale Baillargeon. Jusqu'à tout récemment, Mme Baillargeon siégeait au conseil d'administration de la RBQ à titre de représentante des associations d'entrepreneurs en construction. Elle-même est présidente d'une entreprise appelée P. Baillargeon, propriétaire des carrières du même nom, à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Le 27 avril, l'Unité permanente anticorruption (UPAC), dont relève Marteau, a fait des perquisitions dans les locaux de son entreprise. Les perquisitions ont eu lieu dans le cadre du premier gros coup de filet de l'UPAC, qui visait une demi-douzaine d'entreprises de la région dans les secteurs du génie civil et du béton. Même l'hôtel de ville de Saint-Jean-sur-Richelieu a reçu la visite des policiers ce jour-là.

Jointe au téléphone, la porte-parole de la RBQ, Marjolaine Veillette, affirme que l'organisme a appris la nouvelle sur l'entreprise de Mme Baillargeon le matin même des perquisitions. La présidente du conseil de la RBQ, Josée De La Durantaye, a alors fait adopter une résolution pour que soit destituée Mme Baillargeon le temps que l'enquête soit conclue. Personne n'a été nommé comme remplaçant, si bien que le conseil ne compte plus que huit membres.

Parmi les autres entreprises qui ont fait l'objet de perquisitions le 27 avril, mentionnons Construction Beaudin et Courville de même que Civ-Bec. Cette dernière entreprise a comme vice-président un ancien dirigeant du Groupe Catania.

Situation embarrassante

La situation est embarrassante pour la RBQ, puisque c'est elle qui attribue les licences aux entrepreneurs pour leur permettre d'exploiter une entreprise. Avant d'accorder une licence, la RBQ vérifie les compétences des entrepreneurs, mais surtout elle s'assure qu'ils n'ont pas été reconnus coupables d'une infraction criminelle au cours des cinq années précédant la demande.

La RBQ suit cette disposition visant à lutter contre la criminalité dans l'industrie de la construction depuis l'adoption d'une nouvelle loi par le gouvernement du Québec en décembre 2009.

La situation est d'autant plus gênante pour la RBQ que ses enquêteurs collaborent avec la nouvelle Unité permanente anticorruption (UPAC), laquelle regroupe aussi des membres de l'escouade Marteau et du ministère du Revenu.

Marjolaine Veillette assure que le conseil d'administration n'est pas mis au courant des enquêtes de la RBQ et de l'UPAC. Le conseil est formé de représentants des constructeurs, des consommateurs et du milieu financier, entre autres. Il est saisi des questions budgétaires et stratégiques de la RBQ, dit-elle, mais ne prend pas connaissance des activités quotidiennes sur le terrain.

«Le processus de resserrement de la loi contre la criminalité n'a jamais été discuté au conseil d'administration. Il a été imposé à la RBQ par le gouvernement», explique par exemple Mme Veillette.

Troublant, dit le PQ

Tous n'ont pas la même sérénité. Guy Leclair, porte-parole du Parti québécois en matière de travail, est bouleversé. «C'est très troublant d'entendre cette histoire sur Mme Baillargeon. Il faut attendre de voir ce qui va sortir de l'enquête, mais ça va dans la lignée des autres affaires», dit-il.

Le député de Beauharnois estime que les initiatives du gouvernement libéral prennent trop de temps. «On n'a pas les résultats escomptés. Par exemple, ça fait cinq mois que les entreprises d'Accurso ont plaidé coupables de fraude fiscale et on attend toujours une action concrète de la RBQ», dit M. Leclair, qui réclame toujours une enquête publique sur la construction.

Au cours des derniers temps, des administrations municipales, mais également des policiers ont été dans la ligne de mire de Marteau. Par exemple, le maire de Mascouche, Richard Marcotte, est l'objet d'une enquête de Marteau depuis les allégations de corruption révélées par Radio-Canada. L'Unité anticorruption a aussi reçu le mandat d'enquêter sur la Ville de Montréal pour des allégations d'irrégularités graves.

Enfin, la semaine dernière, deux policiers ont été relevés de leurs fonctions en lien avec une enquête de l'escouade Marteau. Le premier policier, François Bouffard, était commandant à la division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal, tandis que son frère occupait le poste de sergent détective à la Sûreté du Québec.

Les deux font l'objet d'une enquête interne de leurs corps policiers respectifs concernant les projets de leur entreprise familiale, qui a fait la promotion de terrains à Mascouche, notamment.