À 16 ans, Philistin Paul s'est pointé à une partie de basketball organisée au cégep Marie-Victorin avec une carabine tronquée. Il a tiré sur un membre d'un gang rival, les CDP, qui assistait au match, selon un document judiciaire.

C'était en 1994. L'adolescent voulait alors venger l'assassinat d'un membre de son gang, les Bad Boys, survenu l'année précédente. Il a écopé de huit mois de garde fermée en centre jeunesse. Sa victime a été amputée d'une jambe.

Le 4 juin dernier, Paul, surnommé «Crazy», a tiré sur Beauvoir Jean, le fondateur du gang des Master B, sans toutefois l'atteindre. Cela s'est déroulé devant une vingtaine de témoins, et ce, en plein jour, dans un secteur populaire de Montréal-Nord. Or, personne n'a voulu témoigner contre l'accusé de 32 ans, à l'exception de Jean, qui incriminera «Crazy» pour ensuite changer sa version des faits.

Un expert en gangs de rue du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a dénombré neuf incidents de violence dans lesquels Paul a été impliqué pour prouver sa fidélité à un gang de rue d'allégeance rouge. Tout cela est relaté dans le profil criminel de l'accusé déposé en preuve, hier, au moment des plaidoiries sur la peine au palais de justice de Montréal.

Au terme d'un procès, Paul a été acquitté de la tentative de meurtre à l'endroit du fondateur des Master B, mais reconnu coupable d'avoir déchargé une arme à feu sans se soucier de la sécurité d'autrui. Il était déjà sous le coup d'une interdiction de posséder des armes à feu à vie.

«On n'est pas à Bagdad. Les gens de Montréal-Nord ont le droit de vivre en paix sans que des membres de gangs de rue tirent à tout bout de champ», a plaidé le procureur de la Couronne, Me Martin Joly, au juge de la Cour du Québec, Jean-Paul Braun.

De leur côté, les trois avocats de Paul ne contestent pas le fait que leur client soit un membre de gang de rue. Ils soutiennent toutefois que cet incident n'a rien à voir avec un crime de gangs. «Il y a eu un conflit et M. Paul n'a peut-être pas pris les meilleurs moyens pour le régler», a dit Me Alexandre Goyette.

La poursuite réclame une peine de plus de cinq ans de prison, sans préciser le nombre exact d'années. La défense, elle, suggère la peine minimale prévue dans le Code criminel pour ce crime, soit cinq ans d'emprisonnement. Le juge rendra sa décision le 7 juin.

Il se tire dessus... une deuxième fois

Philistin Paul «a une notoriété au sein des gangs de rue et ne fait pas l'unanimité en raison de sa violence. Il fait partie d'une famille comprenant au moins cinq frères, l'incluant, tous criminalisés», décrit le sergent- détective à la Division du renseignement du SPVM, Jean-Claude Gauthier, dans le profil criminel de l'accusé.

L'accusé était encore récemment le propriétaire du restaurant Lakay situé sur la rue Pierre dans Montréal-Nord, un «point de rencontre» de membres de gangs, toujours selon l'expert en gangs de rue.

S'il n'a pas atteint Beauvoir Jean, l'accusé s'est toutefois tiré dans la cuisse en glissant son arme dans sa ceinture. Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive. En 2008, il a été victime d'une tentative de meurtre au bar Le Ritz, dont les auteurs étaient peut-être associés à la mafia italienne. Il a alors voulu riposter en sortant l'arme qu'il cachait dans son pantalon. Or, il s'est plutôt tiré dans les parties génitales.