L'avis de recherche du petit Azan le montrait souriant, sur les genoux du père Noël. Cela aurait pu être son dernier Noël, sa dernière photo.

Mais son histoire est une histoire heureuse. Hier, tous les médias ont pu immortaliser de nouveau ses cheveux noirs et ses semelles clignotantes. Car le petit de 3 ans était de retour à Montréal, cinq semaines après avoir été enlevé par son père, qui le cachait au Pakistan.

«Quand il m'a aperçue au tribunal pakistanais, Azan a piqué une crise terrible parce que son père le tenait pour l'empêcher de me rejoindre. Alors, le juge a tout suspendu. Il nous a donné une demi-heure pour nous embrasser», a raconté sa mère, Roshni Desai.

Tous les parents ainsi trahis par leur ex-conjoint n'ont pas cette chance. À l'entrée du bureau d'Enfant-Retour, qui a retrouvé 734 enfants depuis 1985, les murs sont tapissés d'avis de recherche jamais résolus. «Disparu depuis 1995», «disparue depuis 1999», «disparue depuis 2001»...

«On me disait que l'attente pouvait durer des années, mais je ne pouvais pas vivre sans mon fils», a commenté Mme Desai, qui s'est rendue au Pakistan pour le retrouver et réclamer sa garde.

Aujourd'hui, comme avant, Azan joue avec le téléphone de sa mère, grimpe sur la table et court en sautillant. L'enlèvement a toutefois laissé des traces. «Quand je l'ai retrouvé, il était incroyablement sale et amaigri. Mon fils me raconte qu'il a été frappé. Il fait des cauchemars. Il panique même si je vais juste à la salle de bains. Mais il va de mieux en mieux», indique l'hygiéniste dentaire de 28 ans, qui a elle-même du mal à le quitter des yeux.

Des signes inquiétants

Avec le recul, Mme Desai réalise qu'elle aurait dû se méfier. Son conjoint restait à la maison tandis qu'elle travaillait, raconte-t-elle, «mais il voulait tout contrôler, tout décider pour notre fils. Il m'isolait de ma famille et de mes amis».

«J'ai honte de le raconter. Mais je me disais que c'était une différence culturelle. Que j'étais intelligente. Je ne voulais pas admettre que j'étais victime d'abus.»

Lorsqu'Azan a eu 1 an, son père a annoncé qu'il l'amenait trois semaines en Arabie Saoudite. En fait, six mois plus tard, il n'était toujours pas rentré. «Mon fils avait cessé de m'appeler maman au téléphone. Il ne me reconnaissait plus. J'ai dû menacer mon conjoint d'alerter la police.»

À son retour, ce dernier refuse de quitter la maison. Mme Desai plie, jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'il ne rentre pas d'Arabie Saoudite, mais plutôt du Pakistan, son pays d'origine, où il a épousé une autre femme et fait un autre enfant!

Une fois séparés, ils conviennent qu'Azan dormira chez son père un soir par semaine. «Les deux premières, cela s'est bien passé. La troisième, il a disparu», résume la Montréalaise.

Le consulat pakistanais a refusé de l'aider. À Islamabad, où elle s'est rendue sur les conseils d'un avocat, elle a d'abord craint le pire - malgré l'appui du ministère des Affaires étrangères et des corps de police canadiens. «Le Pakistan a délivré un passeport à mon fils, sans mon accord, en se fiant à son acte de naissance québécois, mais ils ne voulaient pas reconnaître le jugement québécois rendu en ma faveur!» explique-t-elle.

Après quatre jours d'audience, le tribunal local a toutefois été «juste», dit-elle. Puisqu'il ne l'avait pas épousée, selon les lois pakistanaises, son ex-conjoint n'avait aucun droit sur l'enfant. «Les moeurs québécoises m'ont aidée là-bas!» se réjouit Mme Desai, qui n'a toutefois pas eu la partie facile. «Mon ex-conjoint présentait de faux documents disant que j'avais autorisé le départ de mon fils et que j'étais instable mentalement.»

S'il rentre au Canada, ce dernier sera donc arrêté pour enlèvement et fabrication de faux, mais il ne peut être extradé.

Malgré ce qu'ils prétendent, les parents qui agissent ainsi ne le font pas par amour, mais pour se venger, précise la directrice d'Enfant-Retour Québec, Pina Arcamone. Roshni Desai en est aussi convaincue. «Quand je suis partie avec notre fils, il n'a même pas voulu le prendre dans ses bras. Tout ce qu'il a dit, c'est: "Dieu merci, je n'ai rien eu à lui payer"...»