Sécur-Action a obtenu son permis d'agence de sécurité même si deux de ses principaux dirigeants ont plaidé coupable à des infractions criminelles, selon une enquête de La Presse.

Sécur-Action est l'agence qui faisait jusqu'à aujourd'hui le gardiennage du quartier général de la Sûreté du Québec, de l'édifice où loge l'escouade Marteau, du palais de justice de Montréal et du centre judiciaire Gouin, où se déroulent les procès des membres du crime organisé.

La Loi sur la sécurité privée indique que les propriétaires et les dirigeants des agences de sécurité doivent «avoir de bonnes moeurs» et ne jamais avoir été reconnus coupables d'une «infraction au Code criminel, ayant un lien avec l'exercice de l'activité pour laquelle un permis est demandé», à moins qu'ils aient obtenu un pardon.

Éric Beaupré, 37 ans, PDG et unique actionnaire de Sécur-Action, a plaidé coupable à une accusation de recel en 1994, à Saint-Eustache. Il a eu en sa possession une Volkswagen décapotable considérée comme volée. Il a obtenu une absolution conditionnelle.

La Sûreté du Québec et le Bureau de la sécurité privée soutiennent que l'absolution équivaut à un pardon et que M. Beaupré n'a pas de dossier criminel. La porte-parole de Sécur-Action, Odette Côté, a insisté, mardi, pour dire que M. Beaupré n'a pas d'antécédents criminels. Un porte-parole de la SQ a ajouté que l'infraction citée au plumitif n'a pas de lien avec les activités d'une agence de sécurité.

Concernant le recel, en 1994, le tribunal a exigé d'Éric Beaupré qu'il verse 1000$ à une oeuvre de charité. On lui a donné 18 mois pour ce faire. Trois ans plus tard, en janvier 1997, M. Beaupré a été convoqué en cour au motif qu'il n'avait toujours pas payé la victime. M. Beaupré ne s'est pas présenté devant le tribunal pour des raisons inconnues et un mandat d'arrêt a été lancé contre lui. L'affaire s'est réglée par la suite.

À la même époque, un mandat d'emprisonnement avait été délivré contre M. Beaupré pour de légères amendes impayées liées à des infractions au Code de la sécurité routière, selon le dossier de cour. De tels manquements ne sont pas de nature criminelle.

Quelques mois plus tard, en mai 1997, M. Beaupré a lancé l'agence Strict investigation, qu'il dirige toujours avec Sécur-Action et Serca.

Voies de fait et motards

Par ailleurs, Éric Poirier, le bras droit de M. Beaupré à Sécur-Action, a été reconnu coupable en 2008 de voies de fait contre un client du bar le Vieux Shack, à Saint-Jérôme, alors qu'il était portier.

Cet ancien militaire de 40 ans a écopé d'une amende de 1302$ pour son geste à l'endroit de Louis-David Saint-Pierre. Dans son cas, il a bel et bien un dossier criminel.

Selon nos sources, M. Poirier a été vu à plusieurs reprises avec des membres des Hells Angels. Il s'était d'ailleurs plaint à des proches du fait qu'il n'avait pu devenir policier parce que ces fréquentations faisaient tache dans son dossier.

Selon la porte-parole Odette Côté, M. Poirier admet avoir fréquenté des personnes peu recommandables, mais uniquement dans le cadre de son travail de portier de bar et de garde du corps. «Il s'est aussi entraîné dans un gym, à Laval, où se côtoyaient des policiers, des motards et des gens ordinaires comme lui. C'est toujours en lien avec son travail ou dans le cadre de son entraînement», a-t-elle dit.

«M. Beaupré ne peut pas nier qu'Éric Poirier a des antécédents criminels, a dit Odette Côté. M. Poirier n'a pas besoin de permis pour son travail, qui consiste essentiellement à gérer le parc de véhicules et à acheter des uniformes.»

Sous le sceau de la confidentialité, d'anciens cadres de Sécur-Action ont pourtant affirmé à La Presse que M. Poirier a des fonctions importantes. En août dernier, un site internet d'offres d'emplois le présentait comme cadre. Sécur-Action cherchait à recruter des agents de sécurité: «Nom de la personne à contacter, Éric Poirier (directeur des opérations)», indiquait l'annonce, qui donnait son numéro de téléphone au bureau et l'adresse de l'agence, à Anjou.

Avant de délivrer un permis, le Bureau de la sécurité soumet le nom du demandeur à la Sûreté du Québec pour vérification. «C'est le Bureau qui nous a transmis l'information nécessaire pour l'agence Sécur-Action, a indiqué mardi le sergent Guy Lapointe, porte-parole de la SQ. Cette demande concernait seulement Éric Beaupré. On a fait les vérifications. Selon notre analyse, M. Beaupré répondait aux critères. Aucun autre nom ne nous a été soumis.»

«M. Poirier, je ne l'ai pas dans le dossier, a dit le directeur du Bureau, Me Serge Roberge. À la suite des derniers événements sur Sécur-Action, je peux vous dire qu'un complément d'enquête est demandé. Il y a eu une discussion avec les représentants de la SQ. Ceux-ci devront nous acheminer dans un avenir plus ou moins rapproché un complément d'information. Par la suite, le Bureau aura à décider s'il y a des gestes à accomplir dans ce dossier.»

La semaine dernière, le chef de police de Montréal, Marc Parent, a décidé de ne pas renouveler le contrat de Sécur-Action, qui assurait le gardiennage de son QG. L'agence sera remplacée dès mercredi. Par la suite, le directeur de la SQ, Richard Deschesnes, a dit que la SQ ouvrait une enquête de «bonnes moeurs». Puis, lundi, la SQ a annoncé à son tour qu'elle ne renouvellerait pas le contrat de Sécur-Action à l'échéance, le 26 novembre.

Ni la police de Montréal ni la SQ n'ont voulu dire pourquoi elles ne renouvellent pas leur contrat avec Sécur-Action. Entre-temps, le Bureau de la sécurité privée estime que le permis de l'agence est en règle.