L'écrivain québécois d'origine haïtienne, Dany Laferrière, a remporté hier le Prix Médicis pour L'Énigme du retour, son 19e ouvrage publié au Québec par les éditions Boréal et en France par Grasset.

Le romancier l'a emporté dès le premier tour de scrutin par quatre voix (sur six). Justine Lévy a récolté une voix pour Mauvaise fille, Alain Blottière une autre pour Le Tombeau de Tommy.

Le nom du lauréat a été dévoilé dans un restaurant de la Place de l'Odéon, envahi par les médias. Immédiatement, Laferrière a été happé par un tourbillon d'interviews, qui risque de durer un bon moment.

«Un prix, c'est une fête, a déclaré Laferrière, quelques minutes plus tard. Ma vie d'écrivain, c'est une intimité qui se nourrit d'abord d'angoisse et d'inquiétude. Le prix ne peut que me sortir, légèrement, mais pas beaucoup plus, de cette zone d'angoisse. Ça va durer deux jours.»

Prose et poésie

Dany Laferrière est ravi d'avoir décroché le Médicis, prix prestigieux qui nourrit, souligne-t-il, un «certain sens du risque». «Je ne pouvais rêver meilleur prix pour ce livre-là», a-t-il dit en parlant de L'Énigme du retour, dans lequel s'entremêlent les rythmes et les formes d'écriture, empruntant souvent la forme du vers libre, mêlé de prose.

«Le prix ne peut que me sortir, légèrement, mais pas beaucoup plus, de cette zone d'angoisse. Ça va durer deux jours.»

Mais le romancier garde la tête froide. «Un prix, ça ne change pas la vie d'un écrivain, du moins si on s'en tient à la littérature. C'est mon 19e ouvrage: c'est trop tard pour changer», ajoute-t-il avec malice.

Dany Laferrière est le deuxième écrivain québécois à remporter le Médicis, après Marie-Claire Blais en 1966 pour Une saison dans la vie d'Emmanuel.

Premier homme

Il devient aussi le sixième Canadien - et le premier homme - à se tailler une place dans l'implacable course aux prix littéraires français après Gabrielle Roy (Femina 1947 pour Bonheur d'occasion), Marie-Claire Blais, Anne Hébert (Femina 1982 pour Les Fous de Bassan), Nancy Huston (Femina 2002 pour Lignes de faille) et l'Acadienne Antonine Maillet (Goncourt 1979 pour Pélagie la Charrette).

Le Médicis de Dany Laferrière est une victoire pour Grasset, son éditeur parisien, qui a aussi raflé le Renaudot, avec Un Roman français de Frédéric Beigbeder.

C'est aussi un joli succès pour Le Boréal, qui voit pour la première fois un de ses auteurs remporter une des plus grandes distinctions littéraires françaises.

Le patron du Boréal, Pascal Assathiany, était d'ailleurs sur place, pour partager ce «moment de bonheur» avec son auteur. «C'est une joie de voir un livre qu'on a aimé être récompensé de la sorte, a-t-il commenté. Je pense que c'est une consécration extraordinaire pour Dany Laferrière.»

Cette consécration vaut son pesant d'or. Le Médicis est souvent décrit comme le plus culturel et le plus littéraire des prix français. Ce n'est pas le Goncourt, qui peut faire vendre à son lauréat des centaines de milliers de livres, mais il garantirait, en France, des ventes de 50 ou 60 mille exemplaires.

Au Québec, le prix devrait avoir pour effet de relancer les ventes de L'Énigme du retour, un best-seller déjà vendu à 20000 exemplaires. «C'est déjà un succès, mais il ne serait pas étonnant qu'on fasse le double d'ici Noël», prédit Pascal Assathiany.

Le Médicis de Laferrière va aussi permettre au Boréal, toujours à la recherche de partenariats, d'asseoir davantage sa crédibilité et sa réputation à l'international.

«Ça montre que les partenariats aident à la diffusion des oeuvres, explique Assathiany. Boréal et Grasset ont sorti le livre en même temps, à quelques jours près, on avait travaillé ensemble sur le texte, qui circulait entre Dany, Grasset et Boréal. Chacun a mis la main à la pâte. Ça a été un vrai travail de partenariat.»

Le Prix Médicis est assorti d'une bourse de 30000euros.