Durant trois saisons, Jacques Plante est demeuré le seul gardien de la LNH à jouer régulièrement avec un masque. Il y a bien eu quelques tentatives à gauche et à droite, mais personne n'a adhéré au concept.

Jusqu'à l'automne 1962. Au début de cette saison-là, le gardien Terry Sawchuk décide d'en porter un. Or, il connaît une saison gagnante, après quelques années difficiles.

«Je ne crois pas que le masque ait été accepté par les hauts dirigeants de la LNH jusqu'à ce que Terry Sawchuk commence à le porter à l'automne 1962, dit Todd Denault. Et il a connu du succès. Ce qui a eu pour effet de le légitimer.»

Selon Denault, un changement est accepté beaucoup plus facilement lorsqu'il est mis de l'avant par une personne talentueuse. Or, à ses yeux, Plante et Sawchuk étaient les meilleurs gardiens de la LNH. Leur décision de porter un masque a eu une incidence sur les autres.

«Pour être innovateur, il fallait être très bon. Sinon, l'équipe aurait changé de gardien. Plante ne s'en faisait pas avec l'opinion des autres. Et puis, il venait de remporter quatre fois la Coupe Stanley. Il savait bien que l'équipe n'allait pas l'échanger ou le renvoyer aux mineures parce qu'il portait un masque.»

Selon lui, Plante était un perfectionniste, qui cherchait continuellement des façons de s'améliorer. «Durant toute sa carrière, dit-il, il était un gardien d'angles. Or, avec les Blues de St. Louis, alors qu'il avait 40 ans, il a demandé à Glenn Hall de lui enseigner le style papillon. Hall lui a dit: «Voyons Jacques, tu as 40 ans! As-tu pensé à tes genoux!» Mais il était comme ça.»

La suite logique du lancer frappé

L'apparition du masque de hockey est-elle la suite logique de celle du lancer frappé? Todd Denault croit que oui.

«Avant cela, les buts étaient comptés avec des tirs du poignet, des revers, ou à la suite d'une mêlée devant le filet, dit-il. Mais avec l'arrivée des lancers frappés, le temps de réaction des gardiens de but a du être réduit de moitié. En plus, à cette époque, peu de joueurs étaient précis dans leurs tirs. Personne ne pouvait dire dans quelle direction ils s'en allaient. Et c'était pire si le lancer était dévié!»

Doit-on rappeler que l'introduction du lancer frappé est attribuée à Bernard Geoffrion, arrivé avec le CH en 1951.

«Avec les lancers frappés, la fréquence des blessures au visage des gardiens a augmenté», assure Denault.

Quand la FTQ s'en mêle

Visiblement, la défaite subie par Jacques Plante, sans son masque, le 8 mars 1960 à Detroit, suscite l'émoi.

Outré, le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Roger Provost, décide de prendre la parole et de défendre le numéro 1 du Canadien. À ses yeux, Plante a enlevé son masque sous la pression de Toe Blake, ce qui lui fait conclure que les joueurs sont «traités en esclaves» et «soumis au caprice d'un instructeur», selon La Presse du 10 mars.

Provost rappelle que les conventions collectives protègent les travailleurs industriels qui peuvent refuser un travail dangereux. «Le président de la FTQ a formulé le voeu que les autorités lui permettront de remettre son masque et de donner sa mesure sans risque de blessure corporelle ou de dépression nerveuse», ajoute l'auteur de l'article.