Toutes les entreprises ne sont pas égales devant la récession. Plusieurs en sortent pas trop amochées et, surtout, les coffres bien pleins d'argent à dépenser.

«C'est typique de la fin d'une récession, il y a toujours des entreprises qui en sortent les coffres pleins», explique André St-Pierre, premier vice-président, gestion du risque de crédit, à la Banque de développement du Canada (BDC).

C'est plus vrai que jamais, semble-t-il. Aux États-Unis, les 500 plus grandes entreprises non financières inscrites en Bourse avaient plus d'argent dans leurs coffres à la fin de deuxième trimestre de 2009 qu'un an plus tôt, rapportait récemment le Wall Street Journal. Leurs liquidités totalisaient 994 milliards US, ou 9,8% de leurs actifs, comparativement à 846 milliards US, ou 7,9% de leurs actifs.

Même si les chiffres manquent pour faire la comparaison avec le Canada, la situation est similaire, estime Vincent Delisle, stratège boursier à la Banque Scotia. «C'est le cas au Canada, en Europe, en Asie, partout», estime-t-il.

Comment peut-on passer au travers d'une récession et en sortir plus riche? C'est simple, il faut réduire ses dépenses. C'est ce qu'a fait Alcoa dès le début du ralentissement économique. La multinationale a réduit ses investissements, diminué sa production et fermé des usines. Elle a même obtenu une aide de 50 millions du gouvernement du Québec pour traverser la crise. Ses résultats du troisième trimestre publiés récemment font état d'un retour à la rentabilité et, surtout, d'une augmentation de 28% de ses liquidités comparativement à l'année dernière.

Les entreprises se sont empressées d'agir pour conserver leurs liquidités parce qu'elles ont d'abord dû faire face à une crise du crédit. «Le début de la récession a commencé avec une crise du crédit, rappelle le vice-président de la BDC. Tout le monde a été très sensible immédiatement à la rareté de la liquidité.»

Cela dit, André St-Pierre souligne que ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont pu préserver leurs liquidités. «Il y a des secteurs, comme dans l'automobile ou le secteur forestier, où c'est beaucoup plus difficile, sinon impossible, de préserver ses liquidités», précise-t-il.

Certaines entreprises n'ont pas eu besoin d'agir pour conserver leurs liquidités. Saputo, qui rapporte cette semaine des profits en hausse de 37% à son deuxième trimestre, a continué de faire des acquisitions pendant la récession, ce qui a diminué ses réserves. «C'est sûr qu'au pire de la crise, on a été un peu plus écureuil», dit tout de même Louis-Philippe Carrière, vice-président, finances, de Saputo.

Chez Cascades, les liquidités étaient en hausse de 75 millions, à 375 millions, à la fin du deuxième trimestre. Cette amélioration s'explique par les meilleures conditions du marché, mais Cascades a aussi pris des moyens pour augmenter ses liquidités, explique Didier Filion, responsable des relations avec les investisseurs. Les dépenses d'investissement ont été réduites de 10 millions et une gestion plus serrée du fonds de roulement a généré 40 millions de plus, a-t-il précisé.

Au Québec, la récession n'a pas frappé trop dur mais les entreprises ont quand réagi pour prévenir le pire. Selon un sondage de la BDC, 63% des 144 PME sondées ont affirmé ne pas avoir eu besoin de financement au cours des derniers mois. «On peut penser qu'elles ont reporté leurs projets et qu'elles se sont mis en mode attente», interprète André St-Pierre.

Les entreprises ne réagissent pas différemment des particuliers en période difficile, souligne Pierre Bélanger, vice-président à la gestion du portefeuille placement au Fonds de solidarité FTQ. «Quand le crédit se resserre, on se dit qu'il est temps de se construire un petit coussin», a-t-il illustré.

Geler les dépenses, reporter des investissements, réduire ou éliminer le dividende, tous les moyens sont bons pour y arriver. Les rachats d'actions, populaires à l'époque du crédit facile, ont pratiquement cessé, ajoute Pierre Bélanger.

La course à la liquidité a été d'autant plus importante que les entreprises avaient pris l'habitude d'en avoir à volonté. «La liquidité était considérée comme un acquis, on prêtait de l'argent pour tout et pour rien», rappelle Pierre Bélanger.

Au premier signe de reprise, les entreprises qui ont réussi à augmenter leurs liquidités sont prêtes à passer à l'action.

«Ça devrait bouger bientôt du côté des fusions et acquisitions», avance André St-Pierre. «Le secteur des fusions et acquisitions devrait être plus visible en 2010», prévoit lui aussi Vincent Delisle.