Comme la plupart des jeunes Japonais, Yusuke Miyaji goûtait le confort de la vie urbaine jusqu'à ce qu'il se fixe une mission: devenir paysan comme ses aïeux pour réduire la dépendance alimentaire du Japon.

«Qu'importe la puissance de l'économie nippone et l'argent qu'elle peut générer, tôt ou tard ce pays ne pourra plus acheter autant de nourriture à l'étranger», lance Yusuke, 31 ans, lors d'un rassemblement de 200 jeunes fermiers qui, comme lui, ont décidé de marcher sur les traces de leurs ancêtres.

Deuxième économie mondiale, le Japon importe aujourd'hui 60% de son alimentation, contre moins de 30% à la fin des années 60. Une position inconfortable à l'heure où le changement climatique et la montée de la facture énergétique menacent de bouleverser les prix agricoles.

Les travaux des champs suscitent peu de vocations dans ce paradis de la haute technologie et des modèles automobiles dernier cri, mais Yusuke assure vouloir «créer une activité agréable et rentable» à la campagne. «Les enfants devraient rêver de devenir agriculteurs plutôt que joueurs de baseball!»

Le temps presse dans l'archipel, où plus de 70% des exploitants ont dépassé la soixantaine, avec seulement 8,5% des paysans ayant moins de 40 ans: Yusuke prévient ses camarades fermiers qu'ils n'ont «que cinq ans» pour relancer l'agriculture nippone.

Fils d'éleveur de porcs, Yusuke a créé le réseau «Kosegare» («Les fistons»), afin de rassembler les enfants ou petits-enfants d'agriculteurs partis à la ville, mais désireux de retourner à la campagne tenter leur chance, souvent en reprenant l'exploitation familiale.

Kaori Nukui, 31 ans, a ainsi quitté son emploi dans les relations publiques qu'elle exerçait depuis sept ans à Tokyo, afin d'aller aider ses parents à cultiver le thé vert et les champignons.

«Avant, je ne voyais aucun intérêt à reprendre leur activité» explique-t-elle, en conduisant une camionnette vers une champignonnière d'Iruma, au nord de la capitale.

Kaori se rappelle que sa mère la voyait épouser un homme d'affaires plutôt que venir travailler la terre. «Mais lorsque j'ai pensé à lancer ma propre activité professionnelle, je me suis rendu compte que mes parents avaient déjà bâti quelque chose de solide que je pourrai poursuivre», explique-t-elle.

Faute d'héritiers, de nombreux agriculteurs voient mourir leur exploitation lorsqu'ils n'ont plus la force d'y travailler, et quelque 3800 kilomètres carrés de terres agricoles sont à l'abandon faute de main d'oeuvre.

L'archipel importe désormais l'essentiel de son blé, de son maïs ou de son soja et ne parvient à préserver sa production de riz que grâce à une lourde taxation à ses frontières.

Sur fond de crise économique, les pouvoirs publics ont lancé en début d'année un programme de stages de 10 jours pour des chômeurs à la campagne, transport et logement compris, afin qu'ils apprennent les rudiments de la production agricole.

Face aux difficultés des communes rurales, une chanteuse populaire, Shiho Fujita, 24 ans, a de son côté pris la tête d'une escouade de jeunes femmes parties travailler dans les rizières.

«Si l'industrie agroalimentaire devient plus attirante pour les jeunes, l'agriculture japonaise changera nettement. Et notre pays en a besoin», écrit-elle sur son blogue, entre deux conseils pour faire pousser les meilleures courgettes ou obtenir les tomates les plus rouges.