Isaac Newton a fréquenté ses amphis, tout comme 32 prix Nobel, mais c'est une salle de concerts où s'est produit Led Zeppelin que vient d'acheter le Trinity College de Cambridge, l'un des plus prestigieux «colleges» anglais. Étonnant? Non, «stratégique».

Avec leurs bibliothèques aux livres reliés de cuir et leurs chapelles où résonnent les voix fluettes d'enfants de choeur, l'univers suranné des universités britanniques n'était pas habitué à une nouvelle aussi glamour : Trinity College a racheté l'O2 Arena, la salle de concerts de l'est de Londres qui a accueilli Britney Spears, AC/DC, Madonna...

En fait, Trinity a pris le contrôle, pour 24 millions de livres (43 M $), de Meridian Delta Dome Limited (MDDL), la société qui détient le bail des terrains où est situé O2 (huit millions de visiteurs par an). Le «college» ne fera que percevoir le loyer payé par O2 (1,5 million de livres l'an dernier - 2,7 M $).

Mais quel intérêt peut trouver à une salle de concerts le plus important des «colleges» anglais (1100 élèves), fondé en 1546 par Henri VIII? «Un investissement à long terme», répond son intendant, Rory Landman.

La salle O2 n'est qu'un nom de plus ajouté à l'épais catalogue immobilier de Trinity. En Angleterre, tous les «colleges» (établissements d'enseignement supérieur) ont placé leur fortune dans des terrains, mais Trinity est le plus richement doté. Ses propriétés incluent Felixstowe, le plus grand port de conteneurs du Royaume-Uni. On pourrait relier Oxford à Cambridge, les deux capitales universitaires anglaises, en mettant bout à bout les terres que possède Trinity, plaisantent les étudiants.

Aucun chiffre ne sort des amphis feutrés de Trinity mais, selon la revue Reporter de l'Université de Cambridge, l'établissement a assuré des terrains pour plus de 260 millions de livres (463 M $), faisant de lui le troisième propriétaire terrien du Royaume-Uni, derrière la Couronne et l'Église anglicane. En 2008, il a ainsi perçu 40 millions de livres (71 M $) de loyers, estime la revue Education Investor.

C'est cette «stratégie», estime l'étudiant de 20 ans, qui permet aux élèves de vivre dans des conditions «formidables».

«On ressent vraiment la richesse de Trinity», se félicite Oli, en troisième année de Sciences naturelles. «Si vous ne pouvez pas payer vos factures, ils disent ''pas de problème, on peut attendre''«.