Denis Dercourt semble être attiré par la notion de l'obsession. L'auteur cinéaste français aime visiblement observer de près le petit grain de sable qui s'immisce subrepticement dans un engrenage, au point de progressivement occuper tout l'espace. Et tout dérégler.

C'était le cas, déjà, avec La tourneuse de pages. Sur un mode différent, Demain dès l'aube s'aventure dans les mêmes eaux troubles. D'entrée de jeu, Dercourt installe un climat empreint de mystère en montrant deux hommes d'une autre époque s'affronter en duel dans une campagne brumeuse pour une question d'honneur bafoué.

Très vite, le récit échoue pourtant dans la modernité. Et plonge dans la vie d'un pianiste en crise existentielle, amoureuse et familiale.

Le lien entre les deux époques tient du jeu de rôles. Paul (Jérémie Renier) est en effet passionné des batailles napoléoniennes au point où il prend part à des reconstitutions historiques clandestines, prises très au sérieux par tous les participants. Son pianiste de frère aîné Mathieu (Vincent Perez) tentera, à la demande de leur mère malade, de sortir le cadet de cet engrenage, la frontière entre jeu et réalité étant de plus en plus poreuse. Et dangereuse.

Avec beaucoup de finesse, Dercourt s'attarde à révéler la dynamique particulière - et très fraternelle - entre deux êtres portant un regard diamétralement opposé sur les jeux de rôles. Il montrera aussi comment l'un parviendra à entraîner l'autre dans son monde.

Plus largement, l'auteur cinéaste trace le portrait d'un univers parallèle, où des adultes consentants délaissent complètement leur vie civile pour emprunter l'identité de personnages du passé. Dercourt dessine ainsi les contours d'un milieu sectaire où les règles dépassent les limites du simple jeu.

En contrepoint, l'approche de deux frères qui, chacun de leur côté, se livrent à leur discipline de façon méticuleuse: la reconstitution historique pour l'un (fidèle dans ses moindres détails), la musique pour l'autre. Même si le récit distille rapidement un malaise tangible, la complicité des deux hommes n'est jamais remise en cause. Et donne à ce conte cauchemardesque une assise solide.

Les acteurs principaux, Jérémie Renier et Vincent Perez, se révèlent d'ailleurs très crédibles dans cet univers où les repères ne sont plus tout à fait les mêmes. Et modulent leur partition respective avec beaucoup de virtuosité. Les personnages périphériques, tant du côté de la vie contemporaine que de celui des batailles reconstituées, sont aussi très bien campés. Aurélien Recoing, Françoise Lebrun et Gérald Laroche proposent notamment de fort belles compositions.

La chute, étonnante, aura par ailleurs de quoi alimenter les discussions.

DEMAIN DÈS L'AUBE

Drame psychologique réalisé par Denis Dercourt. Avec Vincent Perez, Jérémie Renier, Aurélien Recoing. 1h40.

(c)sum(c))»/>Pour venir en aide à son frère cadet, adepte des jeux de rôles, un pianiste accepte de participer à des reconstitutions de batailles napoléoniennes.

Une histoire troublante, racontée avec finesse.

*** 1/2