C'est entourée de deux gardes du corps et accompagnée de son collègue Jean-Loup Lapointe que l'agente Stéphanie Pilotte a fait son entrée à l'enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva, hier, au palais de justice de Montréal.

La jeune femme à la voix et à l'allure juvéniles a commencé son témoignage très attendu en résumant sa courte expérience comme policière. Après avoir obtenu son diplôme collégial en techniques policières, en 2006, elle a suivi une formation à l'École nationale de police, a été embauchée par le SPVM et a été affectée à la patrouille dans Montréal-Nord en février 2007. Elle comptait 18 mois de service au moment de l'incident.

Sa coéquipière régulière de patrouille n'avait guère plus d'expérience qu'elle, soit trois ans. L'agente Pilotte a expliqué au coroner André Perreault que toutes deux étaient affectées «au secteur chaud», surnommé «le Bronx» par les policiers. «On peut voir de tout à Montréal-Nord», a-t-elle dit, dont beaucoup de «problématiques» de flânage, de vols et de conflits entre locataires et propriétaires.

Lorsque Me François Daviault, le procureur du coroner, a voulu savoir si elle se sentait en sécurité de patrouiller dans «le Bronx» avec une collègue aussi peu expérimentée qu'elle, l'avocat du SPVM, Me Pierre-Yves Boisvert, s'est opposé à la question. Le coroner Perreault a accueilli l'objection puisque le 9 août 2008, l'agente Pilotte ne patrouillait pas avec sa coéquipière habituelle, mais bien avec M. Lapointe.

Dans la journée du 9 août, tous les policiers du PDQ 39 plus expérimentés que Mme Pilotte avaient refusé de faire des heures supplémentaires. La jeune agente, elle, a accepté. C'était la première fois qu'elle faisait deux quarts de travail d'affilée. Au début de son second quart, elle a été jumelée à l'agent Lapointe qui, lui, avait alors cinq ans d'expérience. Tous deux se «connaissaient» pour s'être croisés au poste, sans plus, a-t-elle expliqué.

Le début de leur quart de travail s'est déroulé normalement, a-t-elle indiqué. Vers 17h, l'agent Lapointe a inscrit le nom de «sujets d'intérêt» dans l'ordinateur de l'auto de police afin de procéder à des «enquêtes de renseignements». L'un de ces sujets d'intérêt était Jeffrey Sagor Métellus (atteint d'une balle dans le dos durant l'intervention policière plus tard ce soir-là). Puis, vers 18h55, soit 15 minutes avant l'arrivée des agents Pilotte et Lapointe au parc Henri-Bourassa, ils ont croisé Métellus en répondant à un appel rue Lapierre. Métellus était dans une entrée de stationnement et il ne faisait «pas grand-chose», a témoigné l'agente Pilotte hier. Jean-Loup Lapointe l'a reconnu. «Ils ont échangé quelques mots, rien de spécial. Je ne sais pas pourquoi ils se connaissent», a-t-elle ajouté.

Les policiers ont ensuite continué leur chemin vers le stationnement derrière l'aréna Maurice-Duplessis, où les patrouilleurs de Montréal-Nord ont l'habitude d'aller, a relaté Mme Pilotte, puisque cet endroit offre une vue d'ensemble sur le parc Henri-Bourasssa.

En tournant le coin, les deux agents ont vu un groupe de quatre à six jeunes «debout», «penchés vers l'avant» et «en cercle». Ils étaient encore à plusieurs mètres des jeunes lorsque Jean-Loup Lapointe a dit à sa coéquipière: «Ah! ils jouent aux dés.» L'agente Pilotte, elle, ne voyait pas de dés à ce moment-là. Par la suite, la policière a accepté un appel non prioritaire pour une affaire de bruit en utilisant un bouton de son terminal d'ordinateur.

Bien qu'elle ait accepté l'appel, l'agent Lapointe est sorti du véhicule de police. Mme Pilotte a alors décidé de sortir à son tour et de se diriger vers un des jeunes qui quittait le groupe. Aucun des deux agents ne le connaissait. «Je voulais empêcher l'individu de partir en poursuite à pied», a indiqué la policière, hier. Il s'agissait de Dany Villanueva, le frère de Fredy.

Me François Daviault a interrompu le témoignage de la policière avant d'entrer dans le coeur de l'incident, hier, alors que la journée d'audience se terminait.

À sa sortie de la salle d'audience, Me Alain Arsenault, l'un des avocats du clan Villanueva, s'est dit surpris d'apprendre que les deux agents s'étaient déjà engagés à répondre à un appel pour une plainte de bruit après avoir constaté que les jeunes jouaient aux dés. «Pourquoi n'ont-ils pas continué leur chemin?» se demande l'avocat. Surtout qu'une seule personne en cinq ans a été accusée relativement à des jeux de hasard dans un lieu public à la cour municipale de Montréal, a révélé Me Arsenault aux médias, en citant un document transmis aux parties intéressées par le procureur du coroner dans le cadre de l'enquête publique.

L'agente Pilotte poursuivra son témoignage le 9 décembre, à la reprise des audiences.