Soupir de soulagement au sud de la frontière hier: la récession américaine est terminée. Du moins en théorie.

Selon le département américain du Commerce, les États-Unis viennent de sortir de leur plus longue récession depuis celle survenue après la Seconde Guerre mondiale. L'économie américaine avait passé la dernière année (quatre trimestres) en décroissance. Au dernier trimestre qui s'est terminé le 30 septembre, le PIB américain a cru de 3,5%, une hausse supérieure aux prévisions des économistes qui tablaient plutôt sur une hausse de 3,2%.

La nouvelle émanant du département américain du Commerce n'a pas permis aux millions d'Américains au chômage de se trouver un emploi, mais elle a orchestré un rallye en Bourse. L'indice Dow Jones a clôturé la séance d'hier en hausse de 2,05%, le S&P 500 en hausse de 2,25%. L'optimisme a été contagieux au nord de la frontière, l'indice canadien TSX clôturant la séance en hausse de 2,50%. «Dans le contexte actuel, les investisseurs ont besoin de se faire dire que ça va mieux et que la récession est terminée», dit Vincent Delisle, stratège boursier à la Banque Scotia.

La hausse marquée du PIB américain s'explique surtout par l'ambitieux plan de relance de Washington. Le programme le plus bénéfique à l'économie américaine: la «prime à la casse», qui octroyait jusqu'à 4500$ à un consommateur qui changeait sa vieille bagnole pour une neuve. À lui seul, le secteur automobile a contribué à une hausse du PIB du pays de 1,66% au dernier trimestre. Sur une hausse totale de 3,5%, c'est énorme. «La consommation a été plus forte que prévu, notamment en raison de la prime à la casse», dit Francis Généreux, économiste au Mouvement Desjardins.

Une autre mesure prisée des consommateurs: le crédit d'impôt pour les premiers acheteurs, destiné à revigorer un marché immobilier durement éprouvé depuis deux ans. Le secteur de l'immobilier a bondi de 23% au dernier trimestre notamment grâce au crédit d'impôt de 8000$. Le crédit d'impôt doit prendre fin le 1er décembre prochain, mais il est si populaire que le Congrès songe à le prolonger jusqu'à la fin de l'année 2010. «Le crédit d'impôt a beaucoup aidé l'économie, tout comme la Réserve fédérale américaine qui a maintenu les taux d'intérêt très bas», dit l'économiste Francis Généreux.

Malgré les bonnes nouvelles annoncées hier par le département du Commerce, les Américains n'ont pas retrouvé leur niveau de vie d'avant l'éclatement de la crise financière, en septembre 2008. Le PIB des États-Unis, qui se chiffre actuellement à 13 054 milliards US, est 2,7% moins élevé qu'à son sommet au deuxième trimestre de 2008.

Le taux de chômage se situe à 9,8%, son niveau le plus élevé depuis juin 1983. Une situation problématique pour l'administration Obama, qui soutient que la récession américaine est toujours «vive et mordante» malgré les chiffres contradictoires de son département du Commerce.

«Le chômage reste à un niveau inacceptable pour toute personne sans travail et, pour toute famille menacée de voir son logement saisi, pour toute petite entreprise faisant face au rationnement du crédit, la récession reste vive et mordante», a dit le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner.

Vraiment terminée, la récession?

Oui, en théorie, la récession est terminée. L'économie américaine ne fait plus face à deux trimestres consécutifs de croissance négative. Sauf que les Américains ont une tradition bien particulière en matière de récession : ils attendent longtemps, parfois des années après les faits, avant de prononcer officiellement le début ou la fin d'une récession. Cette tâche ingrate est celle du National Bureau of Economic Research (NBER), un organisme composé d'une dizaine des économistes les plus calés du pays. Un exemple de la patience du Bureau : le Bureau a décrété la récession de 2001... en 2003! « Ben Bernanke, le président de la Fed, faisait partie du Bureau à l'époque «, dit Francis Généreux, économiste du Mouvement Desjardins. Depuis un an, le Bureau est dirigé par James Poterba, un économiste du MIT. Il a remplacé Christina Romer, passée à la Maison-Blanche comme conseillère économique d'Obama.