Pour avoir tué, violé et pillé lors du génocide au Rwanda, en 1994, Désiré Munyaneza a écopé de la peine maximale, soit la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, hier, au palais de justice de Montréal.

«L'accusé a choisi de tuer et de participer au génocide. Il en a été l'un des animateurs à Butare. Sa responsabilité est entière. La peine doit être proportionnelle à la gravité du crime», a dit le juge André Denis, en rendant sa décision, hier. Debout dans le box des accusés, Munyaneza, 42 ans, qui était tiré à quatre épingles comme d'habitude, n'a eu aucune réaction. Issu d'une riche famille bourgeoise de Butare, Munyaneza commandait une milice hutue lors des événements d'une violence inouïe, qui ont débuté au début d'avril 1994, pour se terminer à la fin juillet. Décrivant l'accusé comme un homme «instruit et privilégié», le juge a signalé qu'il avait «choisi» de commettre ses crimes, au nom de la suprématie de son groupe ethnique. Il a agi dans le cadre d'un projet «planifié» de destruction de l'ethnie tutsie. «Pour qu'il y ait génocide, il faut d'abord qu'un homme décide d'en tuer un autre. Puis un autre... jusqu'à l'absurde», a insisté le juge.

Pendant le génocide, que le magistrat a qualifié de «folie collective qui a duré 90 jours», 800 000 personnes ont péri. Au procès, pour sa défense, Munyaneza a appelé plusieurs témoins, qui ont généralement nié le génocide. «Nous savons pourtant que nier un génocide, c'est tuer une seconde fois, pour les victimes», a souligné le juge, avant de dire qu'il «n'existe pas de plus grand crime que le crime de génocide, le crime contre l'humanité et le crime de guerre, qui se produisent encore aujourd'hui». Munyaneza était arrivé au Canada en 1997, avec un faux passeport camerounais, et avait demandé le statut de réfugié politique. Il affirmait qu'il serait tué s'il retournait au Rwanda. Au terme d'une étude, sa demande a été rejetée et il a été associé au massacre. Il a été arrêté dans sa demeure de Toronto, en 2005. En mai dernier, au terme d'un procès commencé en 2007, Munyaneza a été déclaré coupable de sept chefs accusation de génocide, crime contre l'humanité et crime de guerre. Il en appelle du verdict. En conséquence, ses avocats n'ont fait qu'une courte plaidoirie sur la peine, et n'ont invoqué aucun facteur atténuant. Ils sont prêts à aller jusqu'en Cour suprême pour défendre leur client.

Advenant le cas où le verdict resterait le même, Munyaneza sera-t-il extradé après avoir purgé sa peine? «Il y a beaucoup de choses qui peuvent arriver en 25 ans. Il y avait des procédures pour l'expulser, elles ont été abandonnées. Est-ce qu'elles vont reprendre? Je ne sais pas», a dit Me Richard Perras. Une chose est sûre, il purgera sa peine au Canada. Pendant que le processus judiciaire étaient en cours, Munyaneza était détenu à l'établissement de Rivière-des-Prairies, dans un secteur protégé. Maintenant qu'il a eu sa peine, il sera envoyé au Centre de réception de Sainte-Anne-des-Plaines, pour être évalué et classé. Par la suite, il sera conduit dans un pénitencier.

Un procès historique

L'imposition de cette peine vient conclure un procès historique, puisque Munyaneza est le premier individu à être jugé et condamné au Canada en vertu de la Loi sur les crimes de guerre, entrée en vigueur en 2000. La conclusion a été accueillie avec satisfaction dans la communauté rwandaise.

«On est très contents de la décision, a dit Emmanuel Muhawenimana, originaire de Butare, qui est établi au Canada depuis plus de 18 ans. On dit merci au gouvernement canadien et on l'encourage à continuer, car il y en a encore (des génocidaires). Il y en a partout dans le monde qui se cachent, qui ont changé leur nom. Il y en a qui entrent au pays sous de fausses identités», dit-il. L'homme, qui est représentant pour le Conseil de développement du Rwanda, pense qu'il aurait été tué lui aussi s'il avait été à Butare au moment du génocide. «Heureusement, j'étais ici.»

Bruce Broomhall, professeur en droit pénal à l'Université du Québec à Montréal, a tenu à assister à l'imposition de la peine, hier. «J'étais devant le Comité du Parlement pour plaider en faveur de cette loi, alors pour nous, c'est un moment historique. Parfois on entend le ministre de la Justice dire que ce genre de procès démontre que le Canada n'est pas un refuge pour ceux qui ont commis ce genre de crime. C'est vrai si on a des condamnations régulières. Quand on trouve des criminels de guerre au Canada, et qu'on n'a pas la possibilité de les envoyer devant un tribunal international, ou de les extrader vers leur propre pays, il faut être prêt à faire le procès ici. Sans cette volonté-là, ce sont juste des phrases vides», dit-il.

M. Broomhall convient toutefois qu'il n'est pas toujours possible de faire des procès, à cause de l'ampleur et de la lourdeur de la tâche. «On n'a pas toujours accès aux preuves, il faut voyager, rencontrer les témoins... C'est lourd. On ne peut pas faire de procès chaque année, mais peut-être aux cinq ans», croit-il.