Alors que Québec tente de freiner ses dépenses, le plus gros front commun de l'histoire déposera demain sa solution: des hausses de salaire de trois milliards, soit 11,25% sur trois ans pour ses 475 000 membres.

En revalorisant la fonction publique, en y favorisant le recrutement et la rétention des talents tout en ayant moins recours au secteur privé, le gouvernement fait «un bon investissement», ont fait valoir les trois leaders syndicaux en rencontre éditoriale à La Presse.

«Dans une période de crise économique comme celle qu'on traverse, l'utilité des services publics est tout à fait évidente, estime Claudette Carbonneau, présidente de la Confédération des syndicats nationaux. Quand on regarde le contexte de corruption, il y a quelques leçons à tirer d'une fonction publique qui serait complètement laminée.»

Trois milliards sur trois ans

Les trois milliards sur trois ans demandés par les employés de l'État «vont être rentabilisés, et considérablement», si on permet aux syndiqués de s'impliquer dans l'organisation du travail, dit Gilles Dussault, porte-parole du Secrétariat intersyndical des services publics, qui chapeaute cinq gros syndicats.

«Des choses vont être remises en question. Le recours abusif à la sous-traitance, ça n'a plus aucun bon sens. On veut réduire les dépenses? On va regarder de ce côté-là aussi. Et il faut que les employés aient le sentiment d'être respectés. On n'est pas des voleurs, on n'est pas des crosseurs, on est des travailleurs qui veulent être respectés.»

Les leaders syndicaux notent que le manque de main-d'oeuvre frappe de plein fouet l'appareil gouvernemental, «huit pages de titres d'emplois qui sont en pénurie dans le secteur public, selon un rapport d'Emploi-Québec», dit Mme Carbonneau. Au banc des accusés: les salaires des fonctionnaires, qui accuseraient un retard de près de 7% par rapport aux autres salariés québécois qui occupent des postes semblables.

«Il s'agit vraiment d'une négociation charnière, précise la présidente de la CSN. On sort d'un décret qui a duré cinq ans, avec deux années de gel. On en arrive aujourd'hui à une situation où les conditions de travail se sont manifestement dégradées sur le plan des salaires et des conditions de travail.»

Les récentes déclarations du ministre des Finances, Raymond Bachand, qui a établi le déficit pour l'année en cours à 4,7 milliards et a évoqué la nécessité de limiter les hausses de dépenses, n'émeuvent guère le président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault.

«C'est de bonne guerre. Ça fait 35 ans que je suis dans les conventions collectives, chaque fois que j'ai eu à rencontrer un employeur, ils n'ont jamais d'argent, ça va mal, c'est toujours pareil. Depuis 35 ans, ils n'ont jamais une cenne, mais on a réussi quand même à améliorer notre sort.»

Outre l'aspect salarial, les demandes syndicales déposées demain au gouvernement du Québec comprennent des mesures de conciliation travail-famille et de bonification du régime de retraite. Les représentants syndicaux souhaitent une réponse et un règlement rapides. «On s'est entendus pour avoir une négociation ciblée: ce n'est pas un arbre de Noël, ce qu'on amène là, dit Mme Carbonneau. On n'a pas intérêt à cultiver un psychodrame sur des mois et des mois.»