Le gouvernement Charest a sous-évalué de 750 millions son déficit dans le budget du printemps dernier. Québec enregistra un déficit de 4,7 milliards pour 2009-2010. On maintient la cible du retour à l'équilibre pour 2013, mais il faudra trouver d'ici là 5 milliards de plus en recette ou en réduction de dépenses.

Dès le début de 2010, le premier ministre Charest prendra lui-même les commandes d'une consultation sur les orientations financières à adopter pour maintenir le niveau des services publics, a indiqué hier le ministre des Finances, Raymond Bachand, à l'occasion de sa mise à jour économique et financière.

Plus question pour le titulaire des Finances de se lancer sur des hausses potentielles de tarifs d'électricité par exemple; le document d'orientation déposé hier ne fait que mentionner cette avenue. Seule chose claire: pas question de hausser les impôts.

«Les finances publiques tiennent le coup» a-t-il résumé hier en conférence de presse. Les chiffres du dernier budget étaient passablement précis si on observe ce qui s'est passé ailleurs; l'Ontario vient d'augmenter son déficit de 10 milliards à 24,7 milliards. Le fédéral a lui fait grimper l'aiguille de 22 milliards à 56 milliards.

Un programme salvateur

«Quand on se regarde, on se désole, quand on se compare on se console» ironisera M. Bachand. Pour lui l'empressement de Québec à mettre en branle un programme de réfection d'infrastructures au tout début de la crise financière a favorisé le maintien de l'emploi et de la consommation.

Au cours des quatre prochaines années, les déficits totaux prévus atteignent maintenant 13,2 milliards au lieu de 11,5 milliards. La «mauvaise dette» de convenir le ministre Bachand, celle formée par les déficit accumulés au fil des ans, s'établit maintenant à 98 milliards, et elle augmentera de 13 milliards d'ici 2013-2014.

Pour l'année en cours, Québec ajoute une réserve de 300 millions, un coussin au cas où ses prévisions se révéleraient trop optimistes. Aussi on débloquera 800 millions de liquidités sur deux ans pour contrer «la fragilité» du financement des PME - une facture annuelle de 150 millions pour Québec.

Le déficit plus important vient du ralentissement plus important que prévu de l'économie.

Opération de relations publiques

À l'unisson, l'opposition a vu une «opération de relations publiques» dans l'annonce du ministre Bachand. Pour le péquiste Nicolas Marceau, il est clair que le déficit de 4,7 milliards est encore sous- estimé et devra être revu à la hausse. Québec «met des lunettes roses» et s'appuie sur une croissance de 1,5% l'an prochain, une cible plus optimiste que la plupart des prévisionnistes. Pour le député de Rousseau, M. Bachand trompe la population quand il compare les déficits du Québec et de l'Ontario. Chez nos voisins les dépenses d'infrastructures sont versées aux dépenses, et par conséquent gonflent le déficit de l'année. Au Québec ces factures sont refilées directement à la dette.

Pour l'adéquiste François Bonnardel, la comparaison avec l'Ontario ne tient pas non plus. En période de prospérité économique, la dette «pour payer l'épicerie» - les déficits accumulés - est passée de 86 à 98 milliards depuis 2004. Durant la même période l'Ontario est elle parvenue à réduire sa dette, de 125 à 109 milliards. Pour l'adéquiste, les chiffres de Québec démontrent qu'il n'y a pas d'espace pour la croissance des recettes, et qu'il faudra se tourner vers les dépenses.

Moins grave qu'il y a 15 ans

Le gouvernement Charest maintient le cap sur une croissance des dépenses limitée à 3,2% à compter de l'an prochain. Les ministères seront privés de 870 millions de dollars par rapport à la croissance de 4,6% observée au cours des sept dernières années. Les négociations dans le secteur public compliqueront l'exercice, puisque, selon les explications des fonctionnaires des finances, toute hausse salariale devra se financer à l'intérieur des paramètres annoncés. Pour 2010-2011 Québec a 450 millions de mesures - compressions ou nouvelles recettes - à identifier. Pour 2013, ce sera 5,1 milliards mais pour les fonctionnaires des Finances, toute proportion gardées, cela représente la moitié de l'effort qui avait dû être consenti pour le déficit zéro sous le gouvernement Bouchard.

Indexation des tarifs

Québec compte récupérer 60 millions par année en indexant tous les tarifs qui ne sont pas ajustés au coût de la vie. Le document table sur une hausse de la TVQ, en janvier 2001, une mesure qui fait entrer 1,2 milliard dans les coffres pour une année complète.

Québec accorde 20 millions de plus en 2010-2011 à Revenu Québec pour l'embauche de 250 employés à temps plein afin de lutter contre l'évasion fiscale. Quelque 200 millions seront récupérés dès l'an prochain, prévoit-on.

Raymond Bachand crée également un comité consultatif qu'il coprésidera avec Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité et professeur à l'Institut d'économie appliquée des HEC Montréal. «C'est lui qui aura l'odieux de proposer des pistes au gouvernement» lance le péquiste Nicolas Marceau.