Il n'y a pas que des fournisseurs de l'arrondissement d'Anjou qui sont partis en vacances au Portugal avec le maire Luis Miranda. Des fonctionnaires des travaux publics et de l'aménagement urbain, Réal Lafleur et Robert Généreux, et des élus, tels le conseiller d'Anjou Gilles Beaudry et celui de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, André Bélisle, y sont allés aussi.

Réal Lafleur est parti «trois ou quatre fois» aux Açores avec Luis Miranda pour faire du golf «à volonté». Il s'agissait des mêmes voyages dont La Presse a révélé l'existence, hier, et qui ont réuni le maire d'Anjou et les entrepreneurs Antonio Di Lillo et Florindo Baldissin.

C'était avant que M. Lafleur ne devienne, l'an dernier, chef de division Travaux publics à Anjou. Il était alors employé chez Génivar, une firme qui a des contrats avec Anjou. Génivar supervise depuis juin des travaux de réfection routière qu'Anjou a confiés pour 1,4 million de dollars à Construction Louisbourg, la firme de l'homme d'affaires Tony Accurso.

«Il y avait 100-150 personnes qui participaient aux voyages, de tous les milieux, dit M. Lafleur. Robert Généreux et des clients m'en avaient parlé.» M. Lafleur dit qu'ont participé à ces voyages des gens de la construction, de l'ingénierie, le conseiller Gilles Beaudry, l'ex-conseiller Vincent Rotiroti. «M. Baldissin, je l'ai connu là-bas.»

À l'époque, il était chez Génivar. «C'est normal de partir avec des élus, des cadres d'Anjou et d'autres entrepreneurs?» a demandé La Presse à M. Lafleur. «Je trouve ça normal car c'était public avec des prix abordables et ouvert à tout le monde. Et c'est une place rêvée pour jouer au golf.»

Directeur du service de l'aménagement urbain et à l'occasion DG de l'arrondissement par intérim, Robert Généreux est lui aussi parti «en 2006 ou 2007» avec le maire «durant une semaine pour 1600$». Il avait évoqué ce voyage «au Capital humain». «J'ai même invité des gens de l'Association des agents municipaux car je savais qu'ils étaient adeptes de golf, dit-il. Et j'ai même diffusé l'information, comme le maire qui organisait le voyage nous le demandait, pour qu'il y ait le plus de monde possible», rappelle M. Généreux.

Est-ce qu'il y avait d'autres employés d'Anjou avec lui? «Je ne pense pas qu'il y en avait beaucoup, dit-il. Mais il y en avait d'ailleurs. Des amis de M. Miranda. Des gens de Québec.» Cela ne vous posait pas un problème éthique? «Non. Pas avec un groupe nolisé. Et le Capital humain ne m'a rien dit.»

Y avait-il des fournisseurs de l'arrondissement? «Oui. Ils étaient invités comme tout le monde était invité.» M. Baldissin et M. Rotiroti étaient là? «Oui.» D'autres fournisseurs? «Oui.» À l'époque, quelle était votre fonction? «J'étais directeur de l'aménagement urbain.» Un directeur de l'aménagement urbain, cela peut entrer en contact avec ces fournisseurs? «Oui.» Et le fait d'être dans le même avion, dans le même hôtel, sur le même lieu de vacances, cela ne pose pas un problème? «J'ai rencontré des fournisseurs alors que j'étais en Europe et je n'étais pas parti avec eux!» rétorque M. Généreux.

Directeur général d'Anjou depuis 1990, Jacques Rioux était au courant du fait que M. Généreux était parti aux Açores avec le maire Miranda. Lui-même s'était fait proposer d'y aller mais il avait refusé. «Pour des raisons personnelles.» Considérait-il qu'il y avait un problème éthique? «Je ne voyais pas le lien, dit M. Généreux. Aujourd'hui? C'est une bonne question. Avec le recul, il faut éviter. Les apparences sont souvent aussi pires que la réalité.»

Vieil ami de Luis Miranda, le conseiller André Bélisle est parti deux fois aux Açores, notamment l'an dernier. Y a-t-il rencontré des entrepreneurs? «Ben oui, c'est évident, les gens étaient là. Moi, je suis tout à fait à l'aise (avec ça).» Ne doit-on pas éviter les relations de proximité avec des gens d'affaires quand on est un élu et qu'on attribue des contrats à des entreprises? «Ouais, j'avoue que ça ne m'a vraiment pas effleuré.»

Hier, le directeur des relations professionnelles à la Ville de Montréal, Jean-Yves Hinse, a fait savoir à La Presse que «des vérifications internes sont déjà en cours au service du Capital humain concernant les allégations soulevées» selon lesquelles des employés d'Anjou auraient voyagé au Portugal avec M. Miranda. De son côté, le maire Gérald Tremblay, du même parti que Luis Miranda, Union Montréal, a dit qu'il renouvelait sa confiance envers M. Miranda.