Le déficit du Québec sera plus élevé que les 3,9 milliards de dollars prévus au printemps, a confirmé hier le ministre des Finances. Si Raymond Bachand se garde le dévoilement de chiffres précis pour ce matin, les experts, eux, s'attendent à ce que le manque à gagner atteigne jusqu'à 5 milliards.

«Il y aura un écart par rapport à nos prévisions», a admis le ministre Bachand, hier midi, devant les participants des Rendez-vous avec l'Autorité des marchés financiers, au Palais des congrès de Montréal. «La situation est plus difficile que prévu», a-t-il ajouté.

Plus difficile, oui, mais rien à comparer avec l'Ontario, s'est-il félicité. «Depuis six ans, on gère mieux les dépenses (que les autres provinces)», a-t-il dit.

La semaine dernière, l'Ontario a annoncé que son déficit allait frôler les 25 milliards cette année, suivi de deux autres budgets avec, chacun, pour 20 milliards d'encre rouge.

À Ottawa, le déficit fédéral devrait atteindre cette année 55,9 milliards.

Moins mauvais que l'Ontario

Selon l'économiste Pascal Gauthier, du Groupe financier Banque TD, le déficit québécois pourrait «facilement aller à 5 milliards». Une révision importante, mais beaucoup moins que celle de l'Ontario qui a presque doublé sa prévision de déficit.

Selon M. Gauthier, la baisse des revenus provenant des entreprises sera moins importante que dans la province voisine. En fait, c'est l'ensemble de l'économie intérieure qui fait mieux ici que de l'autre côté de la rivière des Outaouais.

La lecture de Sébastien Lavoie, de la Banque Laurentienne, est similaire. «Ceux qui pensent que le déficit va atteindre 7 ou 8 milliards, ils se trompent», soutient-il.

N'empêche que lui aussi croit que le ministre Bachand devra hausser sa prévision de déficit à quelque 5 milliards ce matin, dans le cadre de sa mise à jour automnale. Une des raisons, selon M. Lavoie, se trouve dans les revenus autonomes, qui auront souffert d'une croissance plus faible que prévu.

Au printemps, alors que les économistes de partout sur la planète changeaient leurs prévisions de croissance à un rythme effarant, les fonctionnaires du Québec avaient misé sur un recul de 1,2% du produit intérieur brut (PIB) réel (après inflation) cette année. Selon M. Lavoie, il faut s'attendre maintenant à -1,7%. À lui seul, cet écart gruge les revenus de Québec de 250 millions.

Desjardins plus optimiste

Critiqués le printemps dernier par la ministre des Finances de l'époque pour ses prévisions changeantes, les économistes du Mouvement Desjardins estiment maintenant que Québec ratera la cible de 3,9 milliards, mais de très peu: «Entre 4,1 milliards et 4,2 milliards maximum», a dit Yves Saint-Maurice, économiste en chef adjoint.

«Je suis plus inquiet au niveau de la dette», ajoute-t-il, «parce qu'il y a beaucoup d'argent des infrastructures qui s'en va là».

Il fait ainsi écho aux préoccupations de plusieurs de ses confrères, dont Sébastien Lavoie, de la Laurentienne. «Nous, on n'aurait pas pu se permettre les déficits qu'ils se sont offerts», dit-il à propos de l'Ontario, qui s'attend à afficher plus de 70 milliards de déficit en quatre ans.

La situation québécoise le préoccupe d'autant plus qu'on «se dirige dans une décennie où la croissance va être plus faible que celle qu'on a connue».

Selon les prévisions publiées ce printemps, la dette nette du gouvernement du Québec doit atteindre cette année 137 milliards, soit 45,2% du PIB.

Avoir honte

Sur un tout autre sujet, celui de la Commission canadienne des valeurs mobilières, le ministre Bachand s'en est pris une nouvelle fois à la volonté fédérale, aidée par l'Ontario, de créer une telle institution. «Si j'étais en Ontario, j'aurais honte de penser que mon institution provinciale (la CVMO) n'est pas assez compétente pour mettre en place un système canadien.»

Il a rappelé qu'il n'était pas contre un système canadien géré par les provinces, mais contre un système central, sous la mainmise d'Ottawa.