«Vincent savait persuader les gens. Et ils avaient des gens bien côtés autour de lui.»

Il était très charismatique? Comme un gourou?

«Oui, on peut dire ça...»

C'est en ces termes que le cousin du fraudeur Vincent Lacroix, David Simoneau, un commis comptable chez Norbourg qui est devenu délateur de police, a décrit l'ex-président fondateur de la firme de fonds déchue.

David Simoneau, 31 ans, répondait ainsi en fin de journée, hier, aux premières questions de contre-interrogatoire des avocats de la défense au procès pour fraude et complot de cinq ex-adjoints de Vincent Lacroix.

Avec ce type de questions et réponses échangées avec l'un des principaux témoins de la Couronne, tout indique que la défense tente de susciter un doute parmi les 12 jurés sur l'existence d'un complot ayant impliqué l'un ou l'autre des cinq coaccusés.

D'autant plus qu'un peu plus tôt en journée, alors qu'il répondait à des questions du procureur de la Couronne, David Simoneau avait expliqué que deux des coaccusés, Félicien Souka, ex-chef de l'informatique chez Norbourg, et Serge Beugré, ex-directeur général, avaient pris en charge la «correction» des fréquents écarts de chiffres entre les registres de Northern Trust, gardien de valeur des fonds Norbourg, et la comptabilité interne de la firme.

Toujours selon David Simoneau, cette falsification de documents à la haute direction de Norbourg avait même commencé au moment d'une première inspection menée par la CVMQ (devenue l'AMF depuis) à l'automne 2002.

«Des gens travaillaient alors jour et nuit pour préparer des documents pour les inspecteurs», a indiqué Simoneau devant les 12 jurés.

En contre-interrogatoire, c'est donc l'avocat de Félicien Souka, André Lapointe, qui a lancé la salve de questions à David Simoneau à propos de Lacroix, afin de le dépeindre devant les jurés comme le seul et principal architecte de la fraude des fonds Norbourg.

Est-ce que cette tactique de la défense de ses cinq présumés complices de Vincent Lacroix tiendra la route?

La suite du témoignage de David Simoneau, prévue toute la journée aujourd'hui, s'annonce très révélatrice à cet égard.

Mais hier, dès la première demi-heure de contre-interrogatoire, l'avocat de Félicien Souka a semblé marquer des points en ce sens.

Entre autres, à propos de la correction des écarts comptables entre les registres de Northern Trust et ceux de Norbourg, David Simoneau a expliqué que Vincent Lacroix disait à l'époque qu'elle était nécessaire parce que les premiers fonds «hedge» de la firme (fonds spéculatifs) étaient à ce point complexes que «Northern Trust n'était pas capable d'en tenir les livres».

«Je voyais les écarts grandissants entre les chiffres du gardien de valeurs (Northern Trust) et ceux du back office chez Norbourg, où je travaillais», a relaté David Simoneau, qui n'avait à l'époque qu'une courte expérience en comptabilité et aucune formation pertinente.

En contrepartie, a-t-il souligné, «jamais Vincent Lacroix est venu dans mon bureau pour me dire qu'il voulait voler ces gens-là (les investisseurs dans les fonds Norbourg).»

N'empêche, c'est une partie des inscriptions comptables gérées par David Simoneau, selon les instructions de Vincent Lacroix dit-il, qui s'avèrent aujourd'hui parmi les principaux éléments de preuve des accusations de fraude.

«J'avais confiance en lui. Je ne pensais pas commettre de actes aussi graves que je regrette amèrement aujourd'hui», a indiqué David Simoneau.

«Vincent Lacroix a réussi à vous convaincre, un peu comme un gourou dans une secte?», a demandé un avocat de la défense, André Lapointe.

«Oui... j'ai cru en lui», a répondu David Simoneau.

Cet important témoin de la Couronne, faut-il rappeler, bénéficie d'une entente d'immunité d'accusations criminelles depuis qu'il a accepté de collaborer avec les enquêteurs de police, à la suite de la première grande perquisition d'août 2005.

En plus de Félicien Souka et Serge Beugré, les autres ex-adjoints de Vincent Lacroix qui sont jugés pour fraude, fabrication de faux documents et complot sont: Jean Cholette, teneur interne de livres, Rémi Deschambault, comptable externe, et Jean Renaud, ex-fonctionnaire du ministère des Finances qui a agi comme conseiller fiscal chez Norbourg.